Si je décide aujourd’hui de vous parler de "L’amant", prix Goncourt de l’année 1984, c’est parce que je me suis enfin réconciliée avec Marguerite Duras.
La lecture de cette oeuvre avait été laborieuse. Des difficultés à mettre en images, une tendance à me perdre dans la temporalité, un ton désabusé que je percevais presque comme hautain. Et puis quel était ce parti pris de ne pas respecter le pacte autobiographique !? Ne nous faisait-elle pas une Rousseau en s’attachant, avec froideur, à donner d’elle-même une image assez belle mais clairement idéalisée ?
Mon réflexe avait alors été de me renseigner. J’avais notamment lu que si le récit de l’autrice ne s’inscrivait pas systématiquement dans la réalité, c’est parce qu’elle faisait la part belle à l’imaginaire qui, en émergeant de son inconscient, la rapprochait de la jeune fille qu’elle était alors. OK. Les travaux de Monique Pithion m’avaient éclairé sur les mécanisme d’auto-censure, conscients ou non, qui permettaient de « contourner l’inconvenance fondamentale de l’écriture du moi ». Très bien.
Pourtant je n’étais toujours pas convaincue… Du moins jusqu’à ce que je tombe sur le podcast LES VOIX SOURDES dans lequel Aurore Serra s’applique à lire, le temps de quelques minutes, un extrait de roman, de pièce ou de bande dessinée. Par son grain de voix à la fois doux et éraillé, l’artiste interprète fit résonner en moi les mots de Duras, et ses phrases prirent soudainement une consistance nouvelle, empreinte d’une pudeur justifiant tout ce que je rejetais jusque là.
Nous en parlions récemment avec @littartover : que ce soit pour stimuler la concentration ou simplement pour prononcer et entendre les mots, lire à haute voix ne manque jamais de donner une certaine dimension aux oeuvres littéraires… Je tâcherai de m’en souvenir la prochaine fois que je m’entêterais sans raison valable contre un bouquin !