L'Ami commun
7.9
L'Ami commun

livre de Charles Dickens (1864)

Kind hearts are more than coronets!

Le pénultième roman (et dernier achevé !) de Charles Dickens a un nombre particulièrement incroyable de personnages et d’histoires à s’entremêler.


Pourtant, il réussit l’exploit de ne jamais perdre le lecteur ou la lectrice avec cette multitude de noms. Il a un talent extraordinaire pour décrire d’une manière unique chaque caractère pour le rendre mémorable quelle que soit son importance dans l’intrigue. Ainsi, si untel pointe le bout de son nez à la page 102 pour ne réapparaître qu’à la page 638 par exemple, malgré l’écart de pages (et de temps pour celui ou celle qui lit !), on identifie tout de suite qui il est.


Quant à résumer l’intrigue, ou plutôt les intrigues, des plus de 1100 pages de l’ensemble, c’est une gageure. Je vais tenter malgré tout de le faire.


Donc, tout ceci débute quand un certain Jesse Hexam trouve avec sa fille, Lizzie, un cadavre dans la Tamise. La prise serait très grosse, car il s’agirait d’un certain John Harmon, qui devait arriver dans la Perfide Albion par un bateau en provenance de l’étranger pour toucher une fortune immense laissée par feu son père. La condition que le défunt, ayant pris un bain fatal, devait respecter pour avoir le pactole était d’épouser une jeune femme pauvre, fière et cupide, portant le joli prénom de Bella. Le pognon revient en conséquence aux anciens et fidèles serviteurs du père décédé, les Boffin. Ces braves gens décident, pour réparer une injustice du destin, de prendre Bella sous leurs ailes, tout en engageant un secrétaire, un certain John Rokesmith… Il y a aussi la rivalité entre deux hommes, Eugene Wrayburn, un avocat sans clientèle, aussi indolent qu’insolent, venant d’un milieu aisé, et Bradley Headstone, un instituteur d’apparence très respectable, mais dont la jalousie maladive peut le pousser à être très violent ; tout ceci pour ravir le cœur de Lizzie (oui, celle qui repêche les cadavres avec papa !). Autrement, il y a le couple Lammle, dont le mari et la femme se sont mutuellement arnaqués en croyant chacun avoir épousé un bon pactole. Ils ne trouvent pas mieux que de s’allier, en dépit de leur peu d’amour réciproque, pour soutirer des biffetons à leurs riches prochains. Ah oui, il y a les Veneering qui réunissent une belle société pour discuter de choses et d’autres, notamment de ce qui se passe dans notre récit…

Je prends un moment pour reprendre mon souffle. J’ai essayé au mieux de donner un aperçu de la dimension de ce livre, injustement peu connu dans l'œuvre de l’écrivain (du moins en France !), mais je suis à mille lieues d’avoir tout livré. Ce qui est peut-être mieux, car cela laisse le plaisir de la découverte.

Il n’y a guère de surprise quand on apprend que John Harmon et John Rokesmith ne sont en fait qu’un seul et même homme.

Mais cette exception à part, le tout a son lot de rebondissements inattendus. Ce qui est une bonne surprise venant de la part d’un géant de la littérature, dont le talon d’Achille est souvent d’être trop prévisible dans ses révélations.


La plume satirique de l’auteur des Grandes Espérances, à travers les armes du grotesque (voire de la caricature !) et de l’humain, ne manque jamais de relever avec justesse les travers et les motifs des moins bons ou des plus ridicules d’entre nous, de mettre en avant la noblesse des meilleur(e)s, leur grandeur qui a beaucoup plus à voir avec la bonté de leurs actes qu’avec l’importance de leur compte en banque. Quelquefois, un être ridicule (ou du moins critiquable !) peut atteindre lui-même la grandeur. Cela dépend si chez lui le positif l’emporte sur le négatif.

Qu’ajouter de plus sans en balancer trop ? Ben, il y a deux histoires d’amour. Une dans laquelle les projets de Cupidon sont perturbés par l’appât du gain, l’autre par la différence de classe sociale. Que Bella Wilfer, par une émouvante capacité à se remettre sans cesse en question, est un personnage profondément attachant et fascinant (peut-être le plus beau portrait féminin que j’ai croisé jusqu’ici chez Dickens !). Ah oui, j’ai adoré aussi Jenny Wren, colocataire de Lizzie. C’est une jeune adolescente boiteuse bienveillante qui gagne sa vie en fabriquant des poupées tout en engueulant son incapable et faible de caractère ivrogne de père. Oui, il fallait que je la mentionne spécialement, car j’ai kiffé ce personnage.


Bon, je crois que je ne suis parvenu qu’à donner un soupçon de cette œuvre assez démesurée, foisonnante, riche (par sa taille, par ses très nombreux personnages, tous savoureux, et intrigues !), mais (comme je l’ai déjà évoqué au début de cette critique !) qui ne perd jamais le lecteur ou la lectrice, tout en se montrant sans cesse captivant et parfois surprenant.


Je le recommande sans hésiter L'Ami commun à tous les fans de Charles Dickens, de littérature victorienne, de grande littérature tout court. C’est un pavé qui se digère avec plaisir.

Plume231
8
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le 18 juil. 2022

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Plume231

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