Dans les entrailles du dégueulasse est consacré le retour d’Artaud le Momo, entre dur et mou, entre « le sperme et l’explosion », par-delà et outre le langage des flux, de la machinerie organique et non-organique, de l’anus solaire et enfin de la triangulation Œdipienne. Artaud le Momo et le président Schreber, ce sont les corps sans organes, les glorieux schizos en mouvement perpétuel : le mouvement créateur – dans toute sa potentialité et sa contingence qui suit les trois synthèses productives (la synthèse connective, la disjonctive et la conjonctive, celle de la consommation) dans un élan résolument mystique.
L’anti-Œdipe c’est le happement machinique par la multiplicité qui saute au visage : multiplicité des flux, des organes, des machines, des potentiels, des concepts, des intensités, des productions désirantes qui ne peuvent souffrir de se voir réduites au seul théâtre. Tout ce qui grouille a sa place dans l’usine et non dans le théâtre ; pousser la multiplicité dans le théâtre, tenter de faire rentrer les machines désirantes dans le moule triangulaire papa-maman-moi est voué au débordement. L’œuvre de D&G est le témoignage de ce débordement infecte. Les résidus de cette effusion rance volent en éclat, une décharge à ciel ouvert est le sanctuaire puant du phallus, de la castration et de tous ces fétiches qui ligaturent les machines désirantes, profanent leurs causes et en réduisent les flux. Les flux sont cadenassés, encodés, voire surcodés par Œdipe.
Toutefois, Œdipe et Freud ne représentent qu’un point infime servant la démonstration de l’anti-Œdipe. On se trouve constamment balancé entre Œdipe comme bridage des flux et les pleines déterritorialisations et reterritorialisations brutales menées par les corps pleins du capitalisme, de la Terre et du Despote. La production désirante et la production sociale partagent le même régime, ce qui fonde l’intrication des codes de l’inconscient avec ceux du socius en tant « qu’instance sociale particulière jouant le rôle de corps plein » sur lequel coulerait des flux de toutes natures.
Bien heureux celui ou celle qui puisse se targuer d’avoir compris l’AO d’un seul trait parmi la myriade d’éléments nouveaux qui coulent, qui sont éjectés dans tous les sens et qui laissent plus ou moins des traces, des bribes dans notre machinerie cognitive. Toutefois, à la fin de cette lecture harassante, on se rassérène d’une belle ligne de fuite qui nous permet, quelque peu, d’échapper aux dogmes et à la stagnation d’idées tenaces et de moules, de carcans bien trop serrés…