Quel plaisir que cette lecture. Quel audace que de transformer Becket en simple personnage, mais quel justesse dans le propos. Evidemment, c'est court, on a ce sentiment de trop peu, mais, quand on sait que ce livre a d'abord été écrit en allemand, par un auteur français en résidence, on ne peut que saluer déjà le travail que ça a du être d'écrire ce livre dans la magnifique mais exigeante langue de Goethe.
Oui, on en veut plus, oui, le personnage principal est un peu creux, mais n'est ce pas là un grand classique du personnage creux dans lequel se glissera d'autant plus facilement le lecteur qu'il est sans aspérité, à la manière d'un Tintin.
Beckett est loin de l'imagerie populaire (avec tous les guillemets qu'on voudra sur la popularité d'un auteur qui n'est pas si facile d'accès), mais après tout, pourquoi pas puisque l'un des propos du livre, c'est justement que la connaissance de la personnalité réelle de l'auteur est sans intérêt quant à la réception de son œuvre.
Martin Page profite donc de ce livre pour glisser quelques considérations pleine d'esprit et d'ouverture, en mêlant l'authentique au fictionnel, comme le font bien des auteurs et la plupart de leur biographe (si ce n'est tous, qui peut se vanter de savoir tout d'un auteur ?).
Quant au format court, de 80 pages, je lis des gens pour s'en plaindre, comme si un roman devait avoir une taille minimum, un format... Dieu quelle tristesse s'il en était ainsi. Mais non, Martin Page nous donne avec ce que certains appelleront une pochade la preuve qu'un livre se suffit à lui en quelques dizaines de pages, puisque, finalement, c'est le lecteur qui apportera l'univers nécessaire à la vie de l'œuvre.
Merci donc, je souhaiterais que bien des pondeurs de pages mettent autant de talent dans aussi peu de textes.