Allez, on commence avec la question existentielle: faut-il lire le préquelle avant ou après la trilogie du magicien noir?
Je sais que beaucoup de critiques conseillent de le lire après. Pour ma part j'ai choisi de le lire avant et je m'en suis bien trouvée. Le préquelle spoile pas mal la trilogie, c'est vrai, mais l'avoir lu avant permet de mieux apprécier les détails de la trilogie et d'avoir des points de repère auxquels se raccrocher. Le mieux, et c'est probablement ce que je ferai si je devais relire cette saga, ce serait de lire trilogie -> préquelle -> trilogie. Mais c'est tout de même un peu long.
Ceci posé, voyons ce préquelle.
En résumé:
Sachaka et Kyralie sont deux territoires rivaux. Un jour, une jeune kyralienne, Tessia, découvre qu'elle est une Naturelle, c'est à dire qu'elle a un don particulier pour la magie. Ce qui ne la ravit pas plus que cela, parce qu'elle aurait voulu devenir guérisseuse comme son père. Néanmoins, elle doit se former à la magie sous la tutelle du seigneur Dakon. Or Dakon avait déjà un apprenti, Jayan, qui voit d'un mauvais oeil l'arrivée de Tessia. Pour compliquer les choses, la menace d'une guerre entre Sachaka et Kyralie se rapproche... En parallèle, on suit également les aventures de Stara, jeune femme à demi-sachakanienne qui doit apprendre à vivre selon les coutumes de son pays.
Bon, disons le clairement: rien de bien original là-dedans. L'intrigue est conventionnelle, le style très simple, l'auteur a respecté à la lettre le manuel du roman de fantasy en 10 leçons. Ne parlons pas de l'histoire d'amour qui a un petit goût d'artificialité, du genre "j'ai besoin que ces deux-là soient amoureux pour mon histoire, donc tant pis, on va faire ça maintenant".
Cependant, quelques bonnes surprises tout de même. J'ai beaucoup apprécié la façon intelligente dont ont été traités les personnages d'Hanara et de Dakon. C'est très simple: ce sont probablement les deux seuls personnages de l'histoire à ne pas être des clichés. S'il avait été un cliché, Hanara l'esclave aurait dû bondir sur la liberté que lui offrait Dakon, au lieu de cela il hésite, il a du mal à comprendre le concept et cela fait réfléchir sur les conceptions occidentales selon lesquelles tout peuple rêve forcément de liberté. Quant au personnage de Dakon, c'est une autre approche, mais tout aussi intéressante: Dakon est un homme bon, généreux, bienveillant... mais il n'est que cela. Il est limité dans son propre cliché. Il n'a pas les capacités pour devenir le héros qu'il aurait pu être avec de telles qualités. Et ça, je trouve ça très bien vu. Alors que dans les romans de fantasy il est de coutume que les gens normaux apprennent à devenir des héros, voir une personne rester dans ses limites sans essayer de se surpasser en permanence est rafraîchissant.
Je suis en revanche moins convaincue de la pertinence du récit de Stara. Il est certes bien mené et offre une vision intéressante sur la vie au Sachaka, mais je m'attendais à mieux qu'une émancipation de la femme en bonne et due forme. D'autre part, comme le faisait remarquer un commentaire sur un autre forum, Stara venant de l'Elyne, il est curieux qu'elle mette autant de temps à deviner le secret de son mari mais soit, admettons. Mais ce qui m'a posé le plus de problème, c'est la fin du récit. Je veux dire, je l'aurais accepté malgré son manque cruel d'originalité si cela devait justifier un personnage ou un événement dans la trilogie mais là, à part peut-être pour expliquer le personnage de Savara et encore ça me semble un peu tiré par les cheveux, je n'ai rien vu qui puisse justifier cette fin. Alors je reste dubitative. Le récit de Stara n'est certes pas inintéressant, mais après la finesse des personnages d'Hanara et de Dakon, je m'attendais à mieux.
Egalement, dans le registre des bizarreries, je ne comprends pas la raison pour laquelle le roi Errik, qui apparaissait comme un roi modéré, suit subitement l'avis de Narvelan. L'exaltation de la guerre peut-être... mais ce n'est pas précisé.
Pour résumer: l'auteur a rempli son contrat, c'est un récit de fantasy classique comme des milliers avant lui et sans doute après lui, sauvé de la complète banalité par quelques originalités qui justifient cette note. C'est plaisant à lire, et je le relirai volontiers de temps à autre le soir pour me détendre.