Je viens d'écrire une critique de La Condition humaine de Malraux
où j'ai abondamment employé les vers et la pensée de Bataille pour mettre en exergue l'intérêt pour la supplication qui règne chez ces deux auteurs.
Alors je me suis dit que L'Archangélique méritait bien aussi sa propre critique. Plus courte certes, car j'ai donné déjà la moitié de mon âme à celle de La Condition humaine - à ce feat Malraux / Bataille.
La moitié de mon âme pourquoi ? Parce que lire Bataille c'est déjà vomir quelques rêves - et c'est lui qui emploi la métaphore de la régurgitation à propos de ce qu'il attendait de ses lecteurs : être vomi, ni plus ni moins.
Ok super. C'est déjà pas dingue. Mais lire Malraux, c'est encore pire : c'est Bataille sans le possible. C'est la plaie béante sans l'ouverture.
Donc vous pardonnerez la légèreté feinte qui sera mienne. J'ai plus de Tranxen à portée de main, je fais ce que je peux pour éviter l'appel au samu social de la pensée.
Bataille, j'en avais adoré L'Expérience intérieure : les principes qui régissait sa pensée résonnaient en la part nietzchéenne qui vit en moi : se débattre dans l'angoisse pour atteindre une expérience pure dans laquelle le possible se déploie et s'ouvre sous nos pieds, la plaie qui se fait porte vers l'infini, ce genre de trucs, c'était pour moi.
Plus que les thèmes, j'avais aussi adoré le style de Bataille, la beauté de ses fragments, de cette parole-nudité où la lumière parvient seulement à rougeoyer grâce à la nuit sombre de l'angoisse.
J'étais donc pleine de belles dispositions en attaquant L'Archangélique… Mais… ça n'a pas pris.
Ça n'a pas pris pourquoi ? Pour mille raisons.
D'abord, il y aurait chez Bataille la volonté de faire de la poésie une forme nerveuse, l'expression d'une colère et d'une rage dont seul le poème pourrait se faire l'image. Mais n'est pas Artaud qui veut… Pour faire de la haine l'image de la poésie véritable, faut-il peut être la vivre… La nature est bien faite : rares sont ceux qui sont touchés par la grâce des neuropathies qui donne cette rage à vif dont Artaud a fait l'emblème de sa poésie.
Un lièvre à la fois Georges, l'angoisse et la haine sont certainement deux sentiments paroxystiques mais que l'on ne peut sans doute pas éprouver à la même intensité dans le même temps…
Ou alors peut-être est-ce autre chose. Une autre haine, celle de la poésie sans doute - on parle quand même d'un homme qui a écrit un livre qui s'appelle La Haine de la poésie… Cette volonté de sacrifier le poétique à tout prix, de renverser la poésie et son discours, de faire une poésie sans poésie. Mais n'est pas Corbière qui veut, ou Rimbaud.
À trop sacrifier - et le possible (qui était pourtant omniprésent dans L'Expérience intérieure et le poétique - que reste-t-il de la puissance qui est pourtant celle de l'auteur ?
Pas grand-chose finalement, à peine quelques vers à poil et l'odeur putride de "singes qui puent en mourant"…
L'intérêt véritable du recueil réside uniquement dans la pensée de l'auteur qui s'y déploie mais pour laquelle je conseille bien plus véritablement L'Expérience intérieure dont la charge philosophique et poétique est bien plus supérieure.