J'ai du mal à me positionner. 


Roman très riche. Toute une vie, de la petite enfance à la vieillesse, et les évocations de tout le XXème siècle depuis la Sicile. De ce point de vue c'est incroyable. Une écriture comme au fil des pensées, vaporeuse, mélangeant la réalité, les impressions, le rêve ou le cauchemar, comme si on pensait à voix haute, comme si on était dans la tête de Modesta.


Modesta : une héroïne ; une anti-héroïne ; une femme forte, intelligente, libre et engagée ; une femme qui écoute ses sens et ses envies, qui recherche le plaisir ; une personne normale ; une personne dangereusement déviante, parfois cruelle et sournoise ? Un peu de tout ça. 


D'un côté, j'ai aimé découvrir sa vie, sa force de volonté, mais aussi ses erreurs, ses fêlures (c'est-à-dire comme de petits secrets honteux que l'on peut tous avoir). Même si, justement, le regard des autres n’est pas un sujet pour Modesta, et c’est très bien comme ça. 


J’ai aussi aimé découvrir toute une galerie de personnages : notamment Tuzzu, Mimmo, Pietro, Carlo, Nina, Jacopo fils, Carluzzu (mes préférés). Les nombreuses discussions entre tous les personnages et entre tous ses enfants finissent par constituer l’histoire en soi, en glissant des indices au fil de leurs échanges. 


Ce qui m'a dérangée, ce sont ses amours intra-familiales. Je me dis simplement : pourquoi ?? une attirance sexuelle, enfant, pour une femme adulte ; une fois adolescente des relations ou attirances pour sa "demi-sœur" (sa sœur d'adoption disons, sa sœur de vie, avec qui elle grandit) ; mais aussi avec le frère de celle-ci, handicapé mental, qui vit caché dans une pièce lointaine de la villa ; puis une fois adulte passer d’un homme qui est beaucoup plus vieux qu’elle au fils de celui-ci ; et enfin un autre triangle amoureux avec le médecin Carlo, avec qui elle enverra finalement sa demi-sœur se marier. Vraiment bizarre. Je n’ai pas compris l’intérêt de créer ces situations.

Pourquoi créer ces amours aussi malsaines ? Parce que le presque huis-clos (centré sur la famille vivant à la villa, et quelques rares invités extérieurs) l’y oblige en tant qu’autrice pour continuer l’histoire ? Pour en faire une anti-héroïne ou une héroïne avec des défauts ? Pour dénoncer la société occidentale ou italienne ou sicilienne ? Pour cause de traumatismes d’enfance de Modesta ? Parce qu’anarchiste, elle fait ce qu’elle veut en tant qu’autrice de cette histoire ? Mais pour moi, il faudrait que ça ait un sens.

Ce que je sais, c’est que ces nombreux passages m'ont dégoûtée, attristée, et ne me donnaient pas envie de retourner lire ce livre.


Heureusement, sur la fin du roman, la vie continue sans ce type de malaises. Modesta dit d’ailleurs qu’à 50 ans elle se sent plus heureuse que dans sa jeunesse. Elle continue de réfléchir, de changer, d’avoir des idées, d’être forte, d’aimer. 


Un livre aux multiples facettes, sensible et érudit, qui présente à la fois la beauté des petites choses de la vie, les émotions douces ; mais aussi la force et l’envie de faire de grandes choses ; tout en ayant une part très sombre et étrange que je n’ai pas su comprendre et apprécier.

Smilaf
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le 9 nov. 2024

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