D'où l'art de retrouver ses racines

"— Les miennes, elles sont ici, dit Hamid. Je les ai déplacées avec moi. C'est des conneries, ces histoires de racines. Tu as déjà vu un arbre pousser à des milliers de kilomètres des siennes ? Moi j'ai grandi ici alors c'est ici qu'elles sont."

C'est avec subtilité et émotion qu'Alice Zeniter raconte dans ce récit le difficile renouement aux racines sur un fond d'histoire franco-algérienne. A travers trois générations, marquée par la guerre puis l'expatriation, ce sont Ali le grand-père, Hamid le père et enfin Naima la fille, dont on suivra les affections face à leur situation. Alors qu'Ali était cultivateur d'olivier respecté en Kabylie, il doit fuire son pays suite à l'indépendance. Arrivé en France avec sa famille, les paysages se limitent à celui des camps de transit, au travail accablant à l'usine, aux cités HLM... Pour tenter de s'intégrer dans un pays qui ne lui a pas ouvert les portes de son propre gré, le grand-père Ali se mure dans le silence et ne souhaite pas parler du passé. Ainsi, Hamid, le fils, va grandir en France sans mention de l'Algérie qu'il a quitté jeune. Ses racines, Naima va essentiellement réussir à les imaginer à travers l'art et les artistes qu'elle rencontre, puisqu'elle doit affronter ce silence entre les générations. Finalement, c'est comme si ce récit dans son ensemble compensait cette frustration, ces non-dits depuis la colonisation, ces humiliations faites aux harkis ... pour aider à se reconcilier avec ses propres racines.

Pour aller plus loin sur cette partie de l'histoire je recommande la lecture suivante au sujet de la guerre d'Algérie: Histoire du XXe siècle, Le monde entre guerre et paix - Serge Berstein et Pierre Milza