L'Attrape-Cœurs par ngc111
L'attrape-cœurs est un livre premièrement surprenant par son style. Celui utilisé ici est en effet le langage parlé, celui d'un adolescent pour être plus précis, avec ce que cela comporte en expressions grossières, simples, voir répétitives mais toujours franches, honnêtes et parfois drôles. Il faut avouer que l'effet profite de la brièveté du récit (250 pages) car l'on imaginerait mal subir des "Ouha", "foutrement" et autres "bicause" 600 pages durant ! Dans ce contexte, le récit s'en sort bien et l'on évite l'indigestion. C'est déjà ça !
Il serait toutefois malvenu de croire que le style quelque peu grossier utilisé pour la narration empêcherait le développement d'idées et de réflexions intelligentes et perspicaces. Bien au contraire ! Le narrateur, bien que renvoyé de son collège, n'est pas un idiot bêtement rebelle mais plutôt un personnage différent qui ne se reconnait pas dans ses camardes de classe et ne se situe pas dans sa scolarité et sa vie. Plutôt du genre à vivre au fur et à mesure, sans planifier avenir et carrière, il n'en demeure pas moins très curieux, quoique manquant de passion, et sait exprimer avec une sincérité désarmante son dégoût des choses.
Le récit se déroule durant quelques jours mais au final les évènements ayant cours durant la "fugue" ne prennent pas toute la place, loin de là, et les digressions vont bon train, sur des sujets assez variés mais en rapport avec l'adolescence en majorité. On y trouve pêle-mêle des thèmes comme le sexe, le cinéma, l'attitude des gens, l'école...
Et il faut avouer que si L'attrape-cœurs ne s'élève pas comme un monument de la littérature, il propose quelques moments au dessus du lot comme la discussion avec cet ancien professeur chez lequel Claufield trouve brièvement refuge. La leçon du professeur vaut le détour et se révèle comme le grand moment du livre. En dehors de cela le récit reste toujours intéressant et se laisse suivre sans ennui même si l'on ne peut s'empêcher de regretter un potentiel peut-être inexploité chez David Sallinger.
Pousser plus loin ses réflexions et y accorder une forme plus convenable à l'écrit n'aurait pu que rendre le livre meilleur. Jusqu'à lui conférer un statut de chef d'œuvre de la littérature, qui sait ?