L'écart
7.5
L'écart

livre de Amy Liptrot (2016)

Amy a passé son enfance à Mainland, la plus grande île de l'archipel des Orcades. C'est un lieu battu par les vents où les arbres ne peuvent pas pousser. Ses parents s'installent dans une ferme où la famille mène une vie austère et solitaire entre les crises d'angoisses de du père et la spiritualité grandissante de la mère. Amy rêve de la ville et part dès qu'elle le peux à Londres pour faire ses études puis travailler. Mais la ville sera pour elle une désillusion, un piège. Elle se perd dans les nuits attirantes et alcoolisées pour oublier qu'elle est seule et que tout est trop cher. Elle affiche une désinvolture qui cache un malaise et la déception de ne pas trouver sa place. Elle rêve de jobs qui la feraient briller, qui lui permettraient d'être quelqu'un. Mais elle enchaîne les rencontres éphémères, les petits boulots sans intérêt et les fêtes trop alcoolisées. De soirée en soirée Amy fini par n'avoir qu'un ami, l’alcool. Elle tombe dans un cercle infernal où chaque déception la fait sombrer d'avantage dans son addiction et où chaque verres l'isole un peu plus. Alors, consciente de la pente de plus en plus glissante qui se dessine, elle décide d'entreprendre un cure de désintoxication. Satisfaite de ses avancés et sobre, elle retourne dans les Orcades pour achever de se soigner et refaire surface.


La première partie du livre traite surtout de son alcoolisme puis de sa rémission. Elle raconte l'engrenage de l'addiction et la difficulté à s'en sortir. C'est très bien écrit et très juste. J'ai aimé aussi entendre une femme parler d'alcoolique et d'addiction. On mesure toute la difficulté qu'elle a eu pour s'en sortir. Elle fait preuve de pudeur néanmoins. Elle raconte sans trop de détails les actes les plus dégradants que l'alcool lui a fait faire. Elle suggère les abîmés dans lesquelles elle est tombées et nous épargne les aspects trop intimes. Car ce n'est pas cela qui compte, le cœur de son récit c'est sa rémission. Elle alterne son histoire à Londres avec des souvenirs de son enfance.


Elle prend ensuite la décision de retourner dans les Orcades pour achever sa guérison. Le livre prend alors une autre ampleur. C'est un texte de Nature Writting qui commence. Elle décrit les paysages, les oiseaux et les étoiles. Elle explique les traditions et les légendes qui peuplent ces îles. On sent la violence du vent et la rigueur des hivers. Elle raconte aussi l'histoire des différentes îles et le mode de vie insulaire. C'est passionnant et son écriture rend très bien justice à ces lieux. Au contact des élément et de la nature Amy refait surface et devient de plus en plus forte. Elle se passionne pour l'ornithologie et l'astronomie. On apprend énormément de choses en lisant ce livre.


La construction du livre est un peu fouillis parfois car elle mélange ses souvenirs, ses réflexions et des passages plus documentaires. Mais je me suis laissée porter et j'ai été à la fois touchée par l'autrice et passionnée par ces îles si fascinantes. C’est un roman sur la manière de vivre après l'alcool et une odes à une terre qu'elle aime. Le pouvoir guérisseur de la nature est un thème assez courant mais je trouve cela très juste et on sent l'autrice sincère. L'observation des éléments, des animaux ou des phénomènes métrologiques lui permet de reprendre pieds, de retrouver un forme de sérénité. Elle nous raconte cela de manière très sensible.


C'est une belle découverte que je conseille à ceux qui aime l’Écosse, les falaises battus par les vents et les récits intimes.

Anaïs_Alexandre
8

Créée

le 21 oct. 2018

Critique lue 258 fois

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