Si l'on est très loin de la veine créative et des trésors d'imagination d'Hypérion, "l'échiquier du mal" tient tout de même la distance. Il se situe clairement dans la catégorie du thriller fantastique et ravira les amateurs de descriptions gores : les innombrables victimes qui jalonnent ses pages sont sujettes à force mutilations, éventrements, énucléations, égorgements, décapitations, etc.
Les deux qualités premières du roman sont son rythme soutenu et la solidité du scénario, qui soutient une narration selon les points de vue de plusieurs personnages et fichtrement bien construite. Cela sur plus de mille pages, et avec en définitive assez peu de longueurs, c'est sans aucun doute un tour de force. Bon, il y a quand même beaucoup d'action !
La trame du scénario est bâtie sur le pouvoir dont disposent les méchants (eh oui, il y a les gentils et les méchants dans ce bouquin) de contrôler psychiquement d'autres personnes, dont ils peuvent du coup dicter les paroles et les actes. Et assez curieusement, Simmons fait une sorte de parallèle entre les dits malfaisants et les nazis et leur saleté de shoah. Un peu difficile à suivre tout de même, d'autant que ceux qui furent en quelque sorte contrôlés psychiquement par les nazis étaient leurs subalternes qui exécutèrent les basses œuvres, et non pas les juifs victimes de l'extermination comme pourrait le laisser entendre à certains moments le livre. Un parallèle qui donc ne résiste pas à mon sens à une analyse approfondie, mais dont l'origine résiderait plutôt dans une aspiration commune au Mal absolu.
Enfin, une petite réserve qui expliquera ma notation bonne, mais non excellente : "l'échiquier du mal" a été écrit dans les années 80 et n'a pas forcément très bien vieilli. Si l'affrontement entre deux générations de méchants (ceux de l'époque nazie justement et les plus jeunes qui sont politiciens, industriels, agents secrets et prédicateurs aux Etats-Unis) fait réfléchir à la façon dont le Mal peut perdurer d'une époque à l'autre, j'ai personnellement été un peu gêné par la manière dont le Mossad est décrit comme luttant courageusement aux côtés du Bien. Mais cela s'entend tout de même (et ne casse pas le roman) étant donné tout le truc sur les nazis et les camps d'extermination.
Et à la décharge de Simmons, il fait dire à Natalie Preston dans l'épilogue à propos des palestiniens : "Regardons la réalité en face, les israéliens les traitent comme des nègres". Et si il suffisait de peu de choses pour tout un chacun puisse basculer d'un côte ou de l'autre ?