L'école de la chair se déguste tel un bon vin. Yukio Mishima,dans une prose absolument sublime, nous livre les histoires d'un couple assez atypique: une femme, Taéko, venant d'une ancienne famille noble japonaise, évoluant dans un milieu aisé – elle est directrice d'un magasin de mode – croise lors d'une soirée dans un bar gay un jeune homme très pauvre, Senkitchi, dont la beauté la foudroie instantanément sur place. Bien entendu, ils deviennent amants. Nous suivons donc ce couple finalement pas si mal assorti, les deux étant dotés chacun d'un charme et d'une beauté qui attisent les regards, dont le cheminement dramatique va s'étendre jusqu'à leur déchirement final.
Ce qui frappe dès le début l'œil du lecteur, est, nous l'avons évoqué, la plume de l'auteur, finement ouvragée, qui décortique les sentiments du personnage de Taéko, sans tout à fait oublier les pensées de Senkitchi, mais en lui laissant une part d'ombre. Ce point de vue adopté par Mishima permet de renforcer d'autant plus la porté des révélations finales à propos de celui-là, même si, en vérité, le narrateur nous en parle dès notre rencontre avec lui.
Les personnages sont parfaitement décrits, leurs faits et gestes scrutés à la loupe pour mieux les comprendre. Yukio Mishima revient également à un thème qui lui est cher, puisqu'il analyse les masques que portent les personnages, ceux qu'on porte en société, comme c'est le cas pour Taéko qui fréquente la bourgeoisie tokyoïte lors de soirées mondaines. Elle se doit de jouer la bonne amie avec ses clientes pour ne pas les froisser et perdre ainsi cette clientèle. Vaut-il mieux s'asseoir à côté d'un couple étranger ne parlant pas japonais pour mieux parler avec ses amies de sujets intimes, et ainsi défaire son masque, ou bien à côté d'une cliente ennuyeuse mais fidèle à sa boutique ?
Il y a également le masque que l'on porte en permanence, pour assouvir de basses besognes , qui cache de véritables intérêts, qui tombera quand les secrets de Senkitchi seront dévoilés.
Un aspect de ce roman qui m'a très agréablement surprise est sa modernité. J'avais entendu des choses sur l'auteur, surtout à propos de son nationalisme (qui le rongera vers la fin de sa vie, jusqu'à son dernier geste, un seppuku) et ses idées arriérées à propos du Japon. Quelle fut donc ma surprise à la lecture de cette œuvre ! Mishima traite ainsi des thèmes avec une pensée novatrice pour l'époque, à propos des personnes transgenres (appelées travestis, c'était comme cela à l'époque) qu'il respecte en les genrant correctement, dont il ne se moque pas. Mais également à propos de la virilité, et féminité, qu'il critique négativement qui résonne dans les combats féministes d'aujourd'hui.
En bref, ce livre est une petite merveille de sensualité, d'intrigue et d'écriture. A mettre entre toutes les mains.

Flo-S
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le 27 mai 2019

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Flo S

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