Abandonné en cours de route il y a quelques années, j'ai voulu redonner une chance à ce roman pour son auteur et l'aura de star de la fantasy qui l'entoure. J'aurais mieux fait de rester sur ma première impression, c'était la bonne : c'est bien ennuyeux.
Tout le roman tourne autour d'une mécanique, celle de la magie, qui est autant riche et réfléchie qu'elle alourdit le récit. Brandon Sanderson donne l'impression d'avoir pensé son histoire autour de son système d'allomancie plutôt que l'inverse : il n'y a ici rien à raconter d'autre que le combat du bien contre le mal, de rebelles contre un vilain empire. C'est creux.
Pourtant l'idée de base de l'univers est rafraîchissante et prend à contre-courant le cliché de l'Élu prophétique. Ici, l'Élu a asservi l'intégralité de la planète et plongé le monde dans une ère de ténèbres. En gros, le méchant a gagné. Le ciel est couvert de nuages, il pleut des cendres, le soleil est rouge, les plantes sont rarissimes... Dans cette ambiance post-apo nous suivons un groupe de braves cherchant à renverser son règne de mille ans de terreur. Et... c'est très peu crédible. Mille ans ? Sans évolution technique ? Sans guerre d'envergure ? Sans que l'humanité ne disparaisse, malgré l'impossibilité de la plus basique des agricultures (mais que mangent ces gens ?) ? L'héroïne n'a jamais vu d'herbe verte de sa vie, c'est dire, alors comment un empire millénaire peut-il tenir ? Y a-t-il des vaches dans cet univers ? Des poules ? Nada. Jamais la vie ordinaire des skaa (les esclaves, la majorité de la population humaine) n'a pu prendre forme dans mon esprit tant je n'ai pu imaginer leur quotidien au cours du roman. Ils doivent se contenter d'attendre, debout dans le noir, d'apparaître dans un chapitre (pour y souffrir, les pauvres ça fait que souffrir), avant de disparaître et de repasser "en veille".
À la limite on pourrait passer outre si la narration était au niveau, mais c'est juste ennuyeux. Sanderson est fier de son système de magie, il en parler pendant des pages et des pages, et c'est au lecteur de retenir les 11 types de métaux et les 2 pouvoirs associés à chacun d'entre eux. On brûle de l'étain, du potin, de l'acier, du cuivre, on fait des Tractions, des Poussées... mais quand est-on diverti, exactement ? Parce que c'est du divertissement, et ça aurait été pas mal de s'en souvenir. Les "cours" sont longs (et ne racontent rien), et chaque utilisation de l'allomancie s'accompagne de l'explication technique de qui fait quoi. Ainsi plutôt que de nous décrire qu'un personnage saute de toit en toit par magie, on va nous expliquer à chaque putain de saut quel métal a été brûlé, sur quel élément du toit le pouvoir a été appliqué, etc. C'est d'une lourdeur terrible ! C'est magique, ça devrait être fun, excitant, mais non on a droit a une précision infernale qui brise tout rythme et endort... pendant les scènes d'action ! On croirait ces passages écrits par un juriste. Et ce même après des centaines de pages, comme si on nous décrivait dans Harry Potter chaque mouvement de baguette accompagnant chaque sort.
Malgré tout ça se laisse lire, c'est pas (trop) désagréable même si ça n'avance pas. La psychologie des personnages est simpliste et bien répétitive : si j'avais bu un verre chaque fois qu'il était question du manque de confiance de Vin envers les autres je ne serais pas ici à écrire ce commentaire inutile. Je serais juste mort ! Je ne sais pas où j'ai trouvé la force d'aller au bout, vraiment. Pourtant je peux voir ce qui peut plaire, l'originalité du monde, la précision de la magie (qui m'a tant gonflée), l'aspect un peu "cocon" de l'histoire qui (malgré un thème sombre) reste gentillette. Mais vraiment c'est beaucoup trop long pour ça. 900 pages. En plus il y a deux autres tomes, c'est délirant, non merci.
Aussi on passe notre temps à lire la bande de rebelles faire des réunions pour expliquer leurs plans en long en large et en travers, et ça prend des plombes. Avant même d'avoir développé ne serait-ce qu'un attachement pour l'héroïne ou les personnages secondaires. On nous parle très vite d'aller buter le grand méchant : un dieu immortel régnant depuis un millénaire. Mais on suit une bande de... voyous. Ils sont six ou sept. Bonne chance. Oh bien sûr ils ont réfléchi au truc. Oui oui, ils vont former une armée. Dans une grotte, par là-bas.
Et ils y arrivent en plus ces cons.
J'avais déjà détesté Elantris, du même auteur, en partie pour des raisons de vraisemblance également. Ça me paraît aberrant de mettre autant d'efforts dans la création d'un système de magie très précis dans un soucis de crédibilité, et d'en même temps écrire un univers aussi peu palpable, des personnages aussi creux, et des enjeux aussi peu plausibles.