L'invention de l'histoire : ses débuts tâtonnants et ses belles réussites.
L'idée de lire Hérodote, considéré comme l'inventeur de l'histoire, ça a l'air d'être une plongée dans des ténèbres fascinantes : c'est comment, le premier historien ? C'est quoi, ce style mythique et lyrique dont on nous rebat les oreilles ? On se sent important, intelligent, à lire Hérodote.
Et en effet, lire Hérodote c'est enrichissant. Je suis pour ma part toujours effarée de voir la modernité de ces oeuvres antiques, l'intelligence inouïe de ces génies qui ont près de 2500 ans de plus que moi. On voit très facilement la volonté de rigueur, de confrontation de points de vue d'Hérodote dans cette Egypte (livre II des Histoires) très documentée (et aussi parfois mal documentée, mais bon, ne lui en tenons pas rigueur tout de même).
Ce récit/essai (appelons ça comme on veut) peut se diviser en deux grandes parties : la première, très vaste, présentation un peu fourre-tout de l'Egypte, du Nil, et c'est là que l'on peut lire le très fameux passage sur l'embaumement des morts notamment ; la seconde tente d'établir une chronologie plus ou moins précise de l'histoire des rois d'Egypte, avec quelques anecdotes truculentes de-ci de-là. Les deux sont riches de détails intéressants, on ne peut qu'apprendre (mais méfiance, comme je le disais plus haut il faut vérifier les infos, c'est là que les notes de l'édition bilingue sont très très utiles), cependant on a parfois envie de crier : "Mais qu'est-ce que j'en ai à f***** de la largeur du Nil p***** de sa mère !", et au bout d'un moment l'histoire de rois qui ont tous les mêmes noms c'est un peu redondant.
Toutefois cette description de l'Egypte est plus qu'une description : c'est aussi une analyse, une sorte de débat, tournant majoritairement autour de la question "Est-ce que les Grecs sont des gros plagiaires qui ont tout piqué aux Égyptiens ou pas ?" (Pour info et au risque de spoiler, la réponse d'Hérodote à sa propre question est oui, et d'ailleurs parfois ça semble un peu abusif et on se demande où est passé le patriotisme (oui le mot est complètement anachronique mais vous saisissez l'idée) d'Hérodote.)
On notera la présence de mythes, qu'Hérodote tente bien de remettre en question mais sans y parvenir toujours, car en effet il se contredit assez régulièrement et se laisse prendre à ses propres problèmes.
Outre ces légers bas, l'écriture est limpide, agréable à lire, parfois presque amusante dans les formules de pudeur et d'histoires drôles. C'est assez court, et comme je l'ai déjà dit (si Hérodote dit n'importe quoi, moi je radote, hoho quelle rime) c'est instructif et ça a l'air d'être un joyau précieux, ça m'intimide moi. A lire donc, pour avoir une petite idée de ce que c'est, un historien de l'Antiquité, et puis pour se réjouir en apprenant que les crocodiles, qui n'ont pas de langue, accueillent des sangsues dans leur bouche parce qu'ils sont potes (oui, il a des délires bizarres, je n'invente rien...).