Une équation avec de nombreuses inconnues
Pourquoi reprendre dans sa critique ce qui est déjà amplement développé par l'éditeur en 4° de couverture ( reprise quasi intégralement ici dans la présentation du roman) ?
Ce qui m'a intéressé dans ce récit, c'est que pour la première fois Yasmina Khadra ( pseudo « féministe » de Mohammed Moulessehoul, dont je crois avoir à peu près tout lu ), se met dans la peau d'un européen.
Je n'oublie pas l'étonnant « Olympe des infortunes », ce terrain vague imaginaire ( que j'ai moi situé dans le sud de la France ) peuplé de clochards que l'auteur montre sublimes malgré leur déchéance. Ceux là sont plus proches des « bandits » africains ( dont certains écrivent des poèmes ) ou de leurs principales victimes : ceux qui se sont réfugiés dans les camps des ONG humanitaires et dont Kurt découvre peu à peu les qualités.
Car si dans « l'équation africaine », l'essentiel se passe évidemment en Afrique, c'est au travers des yeux d'un européen ( un allemand, bien sûr ! ) privilégié : médecin, marié à une femme superbe, ami d'enfance d'un homme d'affaires très fortuné, il a, comme nombre d'entre nous, oublié que la vie est précaire, et que tout peut basculer très rapidement.
Il n'est donc pas préparé à ce qui lui arrive ( et je dois avouer que l'accumulation de ses « malheurs » est telle que j'ai éprouvé quelques difficultés à m'immerger complètement dans cette histoire, dont le style m'a semblé parfois inutilement "ampoulé" ). Il découvre avec horreur l'atroce réalité de ce qu'il regardait d'un œil plus ou moins complaisant à la télé : un univers où la violence est reine, où la vie humaine n'a pas beaucoup de valeur, sinon marchande. Car le kidnapping d'étrangers est devenu un moyen de lutte, ou de survivre, voire un juteux fond de commerce pour les nombreux « laissés pour compte » de ce continent sinistré par des millénaires d'esclavage et d'exploitation étrangère…
Et c'est pourtant là, au plus profond de sa propre déchéance, qu'aidé par son co- détenu idéaliste, par un de leurs ravisseurs, mais aussi par l'exemple des réfugiés, et par la petite infirmière espagnole ( dont il tombe bien sûr amoureux) qui les recueille et les soigne, Kurt va comprendre que « Pour qu’un cœur continue de battre la mesure des défis, il lui faut pomper dans l’échec la sève de la survivance ».
Surtout quand, de retour chez lui, il prend conscience de l'absurdité du suicide de sa femme, qui s'est suicidée parce qu'elle n'avait pas obtenu le poste de responsabilité qu'elle briguait dans son entreprise.