Il en est quelque sorte paradoxal que ce roman dégage un tel humanisme alors qu'il met en scène une communauté constituée d'humains certes, mais également d'aliens. C'est d'une certaine manière une ode à la tolérance entre espèces, mais qu'il est aisé de transposer à la tolérance entre races, genres et modes de vie. L'humanisme de Bordage trouve ici un bien joli pendant, dans un récit qui au demeurant ne ressemble guère à du Bordage : plus intimiste, moins d'action, de rebondissements et surtout, surtout, moins de noirceur.
En fait, il me semble que la communauté que constitue l'équipage du Voyageur pourrait s'apparenter à une communauté queer, qui vit selon ses inclinaisons et ses valeurs, ces dernières transcendant les notions d'espèce et de culture des sociétés. Il faut dire que l'immensité de l'espace favorise l'autonomie et, lâchons ce vilain mot, le séparatisme, considéré - dans la vraie vie - par les pouvoirs autoritaires comme de la haute trahison. Communauté qui néanmoins n'est pas dépourvue de réseau : des amis, de ceux sur qui ont peut compter, existent et sont disséminés aux quatre coins de la galaxie.
Alors, c'est vrai que ce bouquin manque un peu de rythme et c'est vrai que l'accouplement entre personnes d'espèces galactiques distinctes est un peu difficile à concevoir. Et que l'union galactique est dépeinte sous un jour un peu idyllique, comme si les espèces avaient atteint un stade de sagesse suprême (non sans s'être préalablement entretuées ou auto-détruites, ce que ne manque pas de souligner Chambers). De la SF utopique, en quelque sorte, ça change des dystopies, c'est à souligner. Mais aussi un appel à la sécession, à déserter le monde tel qu'il est et, pour peu de s'en être donné les moyens, à vivre, tout simplement.