Edward Morgan Foster ? Un écrivain britannique du début du XXe siècle qui serait largement méconnu s'il n'y avaient eu les adaptations cinématographiques de trois de ses romans par James Ivory : Chambre avec vue, Retour à Howard's End et Maurice. Auxquelles s'ajoute un merveilleux film de David Lean : La route des Indes. La longue genèse de ce dernier livre de Forster ainsi que les voyages en Inde de l'auteur constituent la trame essentielle de L'été arctique de Damon Galgut qui court entre 1912 et 1924, soit deux dates : celle du départ du romancier anglais vers l'Inde puis celle de la parution de son livre phare. Durant ce laps de temps, dans une biographie qui s'autorise une large part de fiction, crédible car très documentée, Galgut raconte les rencontres et les tourments de Forster, homosexuel qui ne parvient pas à s'assumer, vis à vis de lui même et de la société. Le désir et la honte, comme deux sentiments qui cohabitent dans l'esprit d'un homme à la recherche d'un équilibre qu'il ne parvient jamais à trouver. Damon Galgut, dont a apprécié les romans sud-africains, a littéralement investi l'âme de son personnage, dans ses pensées les plus intimes, dans un style alerte, parfois ironique, toujours terriblement lucide. Cela vaut aussi pour le deuxième grand thème du livre : les clivages sociaux, particulièrement accentués dans la colonisation britannique, qui déterminent des règles infrangibles.Mais Forster, à sa façon, est un rebelle, qui méprise la prétendue supériorité des anglais face à des "indigènes" auxquels il donne son amitié et davantage si les affinités le permettent. Bien entendu, il y a une forme de leurre dans cette attitude, les différences de culture et de pensée ne pouvant s'effacer malgré la volonté maladroite de Forster. De manière inconsciente, celui-ci se nourrit de ses expériences, de ses aventures amoureuses le plus souvent malheureuses pour construire les bases de ce qui deviendra La route des Indes. Ce sera son ultime roman alors qu'il vivra encore de longues années, jusqu'en 1970. Qu'aura t-il gardé de l'Inde et de ses aventures sentimentales ? Le livre de Damon Galgut n'en dit rien, cela ne lui appartient plus. Entre autres qualités, L'été arctique donne envie de lire les livres de Forster, sachant maintenant qui était l'homme, complexe, qui est caché derrière.