Si vous êtes comme moi…
Vous ne vous dirigerez pas vers cette nouvelle pour son mystère qui n’a plus de secret pour personne. Reste alors la simple envie de lire un classique pour se faire une idée de ce qui était d’origine et ce qui a été réinterprété.
Tout d’abord, j’ai été surprise. Dans les différentes adaptations que j’ai pu en voir (c’est le moment de sortir les grandes références : Once Upon a Time et Jekyll) la « partie malsaine » de Jekyll – Hyde - était représentée comme étant plus massive, plus grande, une bestialité qui la rendait légèrement attirante de par la confiance qu’elle dégageait. Ces traits physiques semblaient correspondre avec l’image de quelqu’un qui domine et à qui tous les vices peuvent être attribués que ce soit en termes de violence ou de sexe.
Pourtant dans le récit Hyde est décrit autrement. Ce qui reste est le fait qu’il est plus petit et trapu et laisse une impression de difformité à quiconque croise son chemin sans que ladite personne puisse mettre le doigt sur ce qui cloche.
En ce sens, le choix d’orienter le changement physique de cette manière m’a plus fait pensé à un récit du genre du Portrait de Dorian Gray où la déchéance morale de ce dernier se reflète tout particulièrement dans le physique. Un physique peu attrayant étant donc la conséquence d’un esprit vicieux. C’est une chose à laquelle je ne m’attendais pas étant donné que même la couverture de l’édition que j’ai est un dessin où Hyde semble plus imposant. Je mets du coup cette différence sur le compte d’une réinterprétation plus en lien avec notre époque où les actes malsains sont plus assumés comme étant attractifs et pas une source d’horreur physique qui s’abattra sur toi.
Autre point commun avec le roman d’Oscar Wilde est la présentation d’un personnage qui au fur et à mesure devient donc de plus en plus malsain sans toutefois qu’aucun détail sur leurs actions ne soit divulgué. Ça reste secret, inavouable, choquant. Le seul acte répréhensible dont l’évocation est admise étant le meurtre pour précipiter les évènements qui font l’histoire (là encore dans les deux). En savoir aussi peu sur les méandres de l’immoralité dans lesquels l’âme humaine peut se perdre m’intéressant beaucoup je trouve ça particulièrement frustrant dans les deux récits d’en savoir aussi peu. Ok la date de publication aidait sûrement pas mais j’aurais aimé une version cachée plus crue qui aurait pu être publiée à notre époque.
Une autre chose qui motivait ma lecture était l’envie de vouloir éclaircir la nature de Hyde. Au final j’avais beau déjà connaître l’histoire (on ne peut pas dire que les personnages soient charismatiques donc savoir juste que les 2 sont 1 suffit à tout savoir), je n’ai jamais réussi à réellement capter à quel point Hyde serait une personne à part.
Et à ce niveau le livre a été une déception car je n’y ai pas vu plus clair. Hyde semble être tout ce qu’il y a de mauvais chez Jekyll ; ou sans être réellement mauvais il regroupe toutes les pulsions et envies du docteur qui - jugées immorales par la société - lui vaudraient d’être laissé à l’écart et de vivre avec des remords et un sentiment de culpabilité toute sa vie. Du coup, il a mis au point une potion lui permettant de devenir Hyde, une identité à part entière qui pourrait laisser libre court à ce caractère transgressif en toute impunité pour la réputation et tranquillité d’esprit de Jekyll.
Seulement Jekyll ne devient pas pour autant toute la part de « bon » qu’il y aurait en lui, il reste lui-même, un peu des deux. Pour switcher d’un mode à l’autre il suffit de boire la potion qui a juste l’effet de faire basculer d’un état à l’autre…
MAIS ALORS. J’ai du mal à comprendre, si Hyde est une personne un peu à part entière, pourquoi il accepte de se brider en buvant de la potion pour laisser libre cours à Jekyll ? Pourquoi il n’essaye pas d’avoir un peu plus d’emprise et de « rester le seul ». Et comment Jekyll peut se sentir satisfait qu’il puisse faire ses péchés au travers de Hyde si au final c’est pas vraiment lui et qu’il en a pas totalement le contrôle ?
Ca reste ultra flou pour moi. Le livre n’a pas éclairci les limites des deux personnalités. Un coup on a l’impression que c’est juste Jekyll qui revêt un costume ; un autre coup on a l’impression qu’il n’a aucune emprise (ou alors Hyde s’émancipe au fur et à mesure ?). S’il a de l’emprise il devrait se sentir coupable ; s’il n’en a pas, quel plaisir peut-il y prendre ?
Dans les deux cas, quel est l’intérêt du procédé et en quoi il estime avoir atteint son but premier ? À mes yeux cela reste complètement approximatif et perturbant. Pour continuer la lecture j’ai mis cela de côté.
Le coup de la potion qui déraille et de la culpabilité et l’horreur naissante qui vont pousser Jekyll au suicide en se suicidant sous les traits de Hyde n’est pas sans me rappeler une fois encore Dorian Gray qui se suicide (involontairement il m’a semblé) en tuant son portrait qui est source de culpabilité, d’horreur et de tourments.
Donc voilà, là où il y aurait pu avoir un plus, une explication plus claire qui amènerait le sens qui a toujours manqué à mes yeux à l’histoire se trouve nada.
Cette historiette restant tout de même agréable. Au moins je pourrai dire que j’ai lu le classique d’origine. Aim low.