Romantique vingtaine
Face au fleurissement de notes scandaleusement basses, je me dois de rétablir ce qui est et de rendre justice à ce qui est pour moi, un très beau premier roman. Alors certes, on pourra sans doute...
le 27 sept. 2016
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Pour l’éveil, c’est le comble ! J’en dirai deux mots par la suite. Expliquons tout d’abord comment j’en suis arrivé à lire ce roman, le contexte est important. Cela fait des années que je postule en vain pour être juré du Livre Inter, et v’là-t’y pas que Sens critique me propose puis me sélectionne (je ne sais comment) pour être un des dix membres du jury d’un nouveau prix, le Prix Sens critique du Premier Bouquin. Quand on creuse un peu et qu’on voit la liste des romans en compétition, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un partenariat entre Sens critique et les Editions Stock, puisque les quatre ouvrages sont issus de cette maison. C’est un peu ennuyeux, il ne s’agit pas ici de participer à un prix ouvert à de nombreuses maisons d’édition, mais à faire la promotion de romans parus chez Stock. C’est un peu cavalier, la ficelle est grosse, mais je suis flatté d’avoir été choisi et je ne boude pas mon plaisir d’avoir à lire et donner mon avis sur quelques romans, quoique je ne connaisse pas grand-chose à la littérature, soyons honnêtes.
Maintenant qu’un certain nombre de choses ont été dites, voyons comment s’en sort Line Papin dans son premier roman, L’Eveil. En tout cas, comment j’ai vécu cette lecture car j’assumerai ici ma complète subjectivité, n’énonçant que mon impression et certainement pas une vérité absolue, même si mon propos ne sera pas forcément nuancé. Sur la méthode, je dois dire que j’ai essayé de me préserver de tout avis sur le roman, je n’ai pas lu Le Monde des livres, je n’ai pas regardé les notes et avis sur sens critique, je n’ai pas regardé la quatrième de couv’ ou Internet avant de me lancer dans ce roman. Cette démarche sera aussi adoptée par la suite, je ne veux pas être influencé par quoi que ce soit et souhaite être vierge de toute information avant d’entamer la lecture, pour avoir la surprise du contenu.
La couverture intrigue, tout de même, avec ce nom curieux, Line Papin, qui nous renvoie avec plaisir aux papinades, mais aussi à l’inventeur Denis Papin, ou, moins drôle, aux sœurs du même nom. Me vient également à l’esprit l’art de la contrepèterie, mais je pense que ce n’est qu’un hasard, quoique malheureux, à mon sens. Sur ce point, on découvre à la page 159 du roman que Line Papin semble apprécier les anagrammes, ce qui provoque en moi, selon l’hypothèse privilégiée, de la peine pour le choix du nom de plume ou au contraire une forme de respect pour avoir eu le courage de conserver son véritable patronyme.
Le roman est intitulé L’Eveil, mais l’ennui et la gêne percent dès l’exergue, car le propos n’est pas intéressant et l’auteure en fait déjà trop, c’est un peu prétentieux, on se veut poète, mais c’est banal voire creux. Passons outre cette prétention poétique peu engageante, oublions cela et entrons dans le roman.
Le souci est que les premières pages ne font qu’éveiller notre colère, et si Line Papin nous agace, mes pensées vont surtout à l’éditeur qui a accepté ces lignes, par exemple, page 5 : « Ça fait quinze jours qu’il ne bouge plus, assis, grave, la tête enfouie dans la grisaille opaque et légèrement rosée de son plumage de cacatois », sans explication, et cinq lignes plus loin, Line Papin de nous parler de « ses paupières closes sous une brume de plombagine ». Au moins, j’aurais ressorti mon dictionnaire et appris quelques mots, il faut savoir trouver quelques agréments dans ce genre d’expériences si couvent décevantes. L’ouvrage s’appelle L’Eveil, or il commence par nous ennuyer avec quelques éléments d’une prose obscure et vaine. Voilà tout ce que je déteste dans une certaine littérature, la contrainte que s’imposent certains auteurs, je n’ose dire écrivains, qui se doivent d’user de métaphores et de mots peu courants ou de s’en servir de façon inhabituelle ; la nécessité qu’ils s’imposent de devoir se distinguer, une vaine tentative de s’inventer un style quand on en est démuni, un manque de confiance, mais aussi une forme d’inconscience ou la fausse croyance d’imaginer que l’on va pouvoir capter ou fasciner le lecteur avec des artifices qui malheureusement ne pourraient peut-être fonctionner que s’ils étaient discrets. Deux autres citations pour finir avec cela : « ce grand jardin surplombant un fleuve rouge large de lotus » ; « l’air languissant du vin pourpre et de l’encre lourde ». Ah, lourde, oui, on peut le dire, l’écriture est un peu lourde, trop souvent. D’autant plus que certains procédés sont curieux et à mon sens assez malheureux, comme quand la narratrice passe subrepticement de la première à la troisième personne à un moment du récit, je trouve cela assez pathétique. Je dois avouer mon incompréhension, ne pas saisir l’utilité de tout cela.
Evoquons maintenant le contenu, qui pourrait peut-être compenser les maladresses ou fautes de goût de la forme. Mais là aussi, malheureusement, je suis déçu. D’autant plus que la situation de départ suscite selon moi une attente qui ne sera jamais comblée. L’histoire se passe au Vietnam, ce qui n’apporte pas grand-chose si ce n’est un peu d’exotisme ; on nous raconte l’histoire d’un homme entre deux femmes, il y a des personnages, mais ça ne fonctionne pas complètement, un côté artificiel ne nous permet pas d’adhérer ou d’y croire, peut-être est-ce la folie de deux personnages que Line Papin n’a pas su nous rendre crédible ? Peut-être sont-ce les maladresses d’écriture ? Des deux personnages touchés par la folie, on ne saura finalement pas grand-chose. Je ne sais comment dire mais on n’y croit guère. Et il faut dire aussi que le personnage de Juliet, fille de l’ambassadeur d’Australie, est assez agaçant, quoi qu’ait voulu en faire Line Papin, qui n’est sans doute pas loin de lui ressembler. Il y a du vécu dans ce roman, mais je n’y peux rien, Juliet m’agace avec ses minauderies. Et puis, la découverte du corps et de ses usages, l’aimantation d’un homme, pourquoi pas, mais ça a déjà été fait et refait, il n’y a là rien de bien neuf à l’horizon.
D’autant plus que la lecture n’est pas fluide et confortable, avec des procédés qui n’apportent rien, si ce n’est un peu de confusion. Le plus désagréable est le côté artificiel de l’écriture : dans le chapitre 17 par exemple, il faut lire une vingtaine de lignes pour comprendre qui est le narrateur, en l’occurrence Juliet. Un chapitre qui commence par une longue description peu utile pour le sujet et complètement hors de propos puisque l’on comprend ensuite que ce long soliloque descriptif s’adresse à Raphaël et qu’il s’agit donc de la suite d’un dialogue entamé quelques chapitres plus tôt. Or, on ne fait pas cela lorsqu’on dialogue, on ne parle pas tout seul, c’est d’un maladroit, tellement improbable qu’on a souvent de la peine pour Line Lapin et les responsables d’édition qui n’ont rien fait pour améliorer le manuscrit… Bref, c’est bien de lancer de jeunes auteurs, mais il faut savoir les encadrer un minimum, s’ils sont comme la plupart d’entre nous sans talent… Je suis vraiment désolé, mais c’est de la merde comme disait feu Jean-Pierre Coffe !
L’Eveil, on peut vraiment se demander quel est le sens de ce titre, on imaginerait bien une référence bouddhiste, mais ce n’est pas clair, d’autant plus que plusieurs personnages ont plutôt tendance à s’éteindre ou à sombrer comme le lecteur dans un état qui n’est manifestement pas l’éveil bouddhiste. L’Eveil c’est peut-être un titre destiné à l’auteur elle-même, pour l’aider à se convaincre que son propos n’est pas qu’ennuyeux et creux, qu’il peut susciter un quelconque intérêt. Ce titre, je ne le comprends pas, même si l’homme au centre de l’histoire est marqué par une prise de conscience (mais qui l’amène a un état dépressif et végétatif).
Soyons honnêtes toutefois, tout n’est pas à jeter dans le roman, même s’il est selon moi de bien piètre qualité. Il y a bien des passages intéressants, un regard sur les expatriés, qui ne supportent rien du pays, la chaleur, la crasse, le bruit, mais ce n’est pas le cœur du propos de Line Papin. Il y a aussi quelques jolies pages, notamment p 144-145 (elles suffisamment rares pour qu’il soit utile des les signaler). Et si le début du roman était extrêmement inquiétant, avec des excès que l’éditeur n’avait curieusement pas choisi de gommer, la suite est plus conventionnelle, correcte, lisible, à défaut d’éviter certaines maladresses et de parvenir à être passionnante.
Il y avait un roman, mais il n’y eut rien, ou pas grand-chose : une idée, mais beaucoup d’inutiles et lassantes divagations. Il y a bien quelques formules réussies, mais l’ensemble est si laborieux qu’elles se perdent dans un océan d’ennui.
Bref, il est beaucoup plus facile d’écrire une critique médiocre qu’un roman correct. L’exercice ne se départit pas d’un côté un peu prétentieux, comment peut-on juger voire assassiner un roman alors qu’on est soi-même à peine capable d’écrire convenablement quelques lignes ? L’exercice est cruel et bien facile. Mais en attendant, n’en déplaise aux Editions Stock ou à Sens critique, le roman est mauvais, je ne vois pas ce qu’on peut dire d’autre si l’on est honnête. En tout cas, c’est mon avis ! Et je le partage, en espérant pouvoir trouver ici une critique un peu plus laudative ou à tout le moins bienveillante, malgré mes doutes !
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Créée
le 24 sept. 2016
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