"L'existence précède l'essence". Voilà certainement une des thèses philosophiques les plus intéressantes du XXème siècle, porteuse d'espoir et affichant clairement une opposition aux dogmes religieux. Car c'est cela l’existentialisme aussi (et surtout ça), un déni total du destin, de ce mensonge de la destinée pré-conçue par une entité supérieure auquel l'être humain, de par sa faiblesse et sa petitesse, ne pourrait accéder, et donc changer.
Nous ne sommes que l'additions de nos propres choix, qu'ils soit conscients ou non, et ce depuis l'aube de notre existence (entendons par là l'âge de raison). Sartre, à travers cette thèse, nous bouscule et balaie toutes les agaçantes attributions externes qui nous servent d'excuses, et qui nous délivrent de nos propre flot de responsabilités. Je suis ce que je fais, et la fatalité n'est qu'une douce consolation dans laquelle il est facile de se laisser absorber, jusqu'à nier totalement les conséquences de nos propres actes sur nos personnes.
Cette thèse est dure, profondemment dure, car elle nous met face à nos échecs, nous fait culpabiliser sur les non-dits, les actes maladroits, les décisions idiotes et incensées. C'est certainement pour cette raison qu'elle est refutée aussi fermement qu'elle est adulée. A chacun de voir jusqu'ou peut aller notre responsabilité, et quelle est sa limite réelle.
Néanmoins, difficile de ne pas tomber sous le charme de la dimension optimiste du concept existentialiste, qui nous pousse à croire que l'action réfléchie, maîtrisée, peut amener à des grandes choses, et pourrait à terme permettre un accès à un bonheur durable et réel.
L'écriture toujours très juste de Sartre fait de ce livre une oeuvre facile d'accès pour qui souhaiterait s'intéresser à la philosophie sans passer par des pavés opaques, pompeux, au style désespérément amphigourique.
La seule critique que je ferrai porterai sur le fait que l'existence revêt ici un sens, un sens que l'individu pourrait lui même définir, modeler, affiner, en fonction de ses choix. Cependant, l'existence en elle même, en tant que concept, at-elle réellement un sens, jouit-elle d'une quelconque justification? N'est-elle pas juste accidentelle, liée au hasard, et n'a t-elle pas d'autres raisons d'être que son unique et seule présence? L'essence de l'existence est-elle seulement réelle? Je pense qu'il serait plus correct de faire la différence entre l'existence subjective, propre à chacun et à sa vision (et donc, par extension, son action), et l'existence objective, qui ne pourrait se vanter de posséder une quelconque essence (de mon point de vue).
Mis à part ça, l'existentialisme est un humanisme constitue l'un des piliers de la philosophie moderne, et à l'avantage de proposer une réflexion claire et ordonnée pour contrer toutes les formes de superstitions liées à la fatalité.