Avant de lire Sartre, je ne comprenais pas pourquoi il récoltait tant de haine et d'incompréhension. À la lecture de cette conférence, tout s'est désormais clarifié dans mon esprit, et je juge même ce rejet révélateur. Sartre s'était vraisemblablement donné comme objectif d'expliciter, voir de vulgariser l'existentialisme, mais il a à la fois échoué et réussi dans cette quête. Pour cela, je vais tenter de répondre dans ce billet aux critiques actuelles qu'on lui adresse sans cesse :
° Pour faire le lien avec d'autres courants philosophiques, je dirais que l'existentialisme provoque des réactions aussi épidermiques que le stoïcisme, et il est presque autant perverti que ne l'a été l'épicurisme. C'est précisément la notion de responsabilité que beaucoup de gens ne supportent pas et ne peuvent pas accepter, et pour cela ils choisissent de déformer l'existentialisme pour échapper à leur peur. En effet, Sartre ne le cache pas, le mode de vie existentialiste par la responsabilité qu'il implique ne peut empêcher l'émergence de l'angoisse. Étant moi-même dépressif à dominante angoissé, je peux tout à fait concevoir cette idée, et je peux également comprendre que beaucoup veulent échapper à cette angoisse existentielle, parfois insoutenable.
° Outre l'angoisse, c'est le conditionnement qu'ils s'infligent qui empêche les gens d'accéder à cette pensée. L'existentialisme part du postulat que Dieu n'existe pas ou que précisément que s'il existe ou non cela ne changerait rien. C'est d'abord la religion qui a permis aux Hommes de se déresponsabiliser, et de se créer une pseudo-morale. Ensuite, d'autres valeurs et croyances ont pris le pas, que l'on peut résumer par le terme "déterminisme", parmi lesquels la biologie, la sociologie, la psychologie. C'est un formidable moyen de complaisance auquel l'Homme a choisi de croire.
° Si pour Sartre, l'existence précède l'essence, il ne nie absolument pas le milieu et ses influences extérieures, qu'ils appellent les limites de l'existence. "L'homme n'est rien d'autre que ce qu'il fait", cela signifie simplement qu'il n'y a pas de déterminisme. Dans le néant existentiel, tout est choix, tout est liberté, tout est interprétation, tout est perception. À partir d'un "patrimoine", l'Homme se construit comme il l'entend, selon des valeurs, qu'il choisit à chaque instant, s'approprie, et finalement qui lui devienne propre, et ses choix engagent l'humanité toute entière, autrement dit l'histoire de l'humanité n'est qu'une succession et un ensemble de choix. Au départ, il s'agit d'une liberté totale dans le néant, un engagement progressif de chaque homme vis à vis des autres, puis par le suite c'est la perception de nous choisissons d'avoir du passé, qui choisisira l'avenir. "L'homme est l'avenir de l'homme".
° En conclusion, je dirais que l'existentalisme est un courant philosophique réellement bouleversant, et éblouissant. Tout en niant toute transcendance, il arrive à en créer une, celle d'un profond humanisme, mais un humanisme lucide. Absolument tout est possible dans les limites de notre existence humaine.
PS : Qui parmi les détracteurs de l'existentialisme fait l'effort de lire Heidegger, ou Kierkegaard, ou de développer sa capacité d'abstraction et d'ouverture ? Sartre a essayé de faire parvenir de manière un peu plus concrète la pensée existentialiste. Il n'a pas réussi certes, mais il a essayé. "Essayer c'est déjà réussir"