Roman politique centré sur l’hiver 1978-1979 qui vit l’accumulation de grèves au Royaume-Uni, L’Hiver du mécontentement est une réflexion sur le passage à l’âge adulte dans une société qui se tourne vers un libéralisme extrême.
Le titre, emprunté à Richard III de Shakespeare, est un double écho : c’est tout d’abord le Sun qui s’en inspira pour désigner cette période où les Anglais supportaient un hiver rude, une forte inflation et de longues grèves ; c’est aussi une référence à la pièce que monte Candice avec sa troupe. Déjà, à la fin des années 70, le féminisme s’affirme : tous les rôles du chef-d’œuvre de Skakespare seront joués par des femmes, et ce sera à Candice de s’écrier « Now is the winter of our discontent » et « A horse, a horse, my kingdom for a horse ». Jouer sur scène est pour la jeune femme une façon de résister face à une société machiste et capitaliste qui l’oblige à livrer des courriers à vélo par des températures négatives.
Au fil de ce rude hiver, Candice va découvrir l’amour, l’attraction et la fascination qu’exerce le pouvoir chez Richard III et, beaucoup plus proche d’elle, chez Margaret Thatcher. En cette période politiquement trouble où le parti travailliste mené par James Callaghan cherche à imposer un plafond de 5 % à l’augmentation des salaires pour lutter contre l’inflation, les grèves s’enchaînent. Le parti conservateur de Margaret Thatcher en profite. Avant d’accéder au pouvoir, Margaret Thatcher travaille sa diction dans un théâtre, sous l’œil intrigué de Candice.
Roman politique, L’Hiver du mécontentement est aussi un roman musical : chaque chapitre est introduit par un titre de chanson de la fin des années 1970 : Sex Pistols, The Clash, The Jam… On se demande cependant un peu pourquoi Thomas B. Reverdy s’est intéressé à cette période : chercher-t-il à faire une comparaison entre la politique de Thatcher et de Macron ? Ou alors le roman ne se présente-t-il simplement que comme une radiographie d’une époque : celle qui préfigure le libéralisme que mettra en place Thatcher, un libéralisme théorisé par Milton Friedman ? On relèvera ainsi le bel abécédaire final qui marque le passage d’un modèle économique à un autre : « C comme City […] D comme depression […] E comme employment ». Si l’on peine à définir clairement la visée d’un tel roman, L’Hiver du mécontentement est un intéressant portrait d’une période peu connue et une réflexion sur ce qu’est lutter.
« Aux heures de bureau, les grèves sont une malédiction pour les habitants du « grand Londres ». Déjà habitués au cauchemar quotidien des trois ou quatre heures aller-retour debout dans un train bondé, l’arrêt total de certaines lignes les condamne à l’auto-stop, à la marche ou au vélo. En centre-ville, les embouteillages deviennent monstrueux. Des centaines de piétons piétinent au milieu d’un fleuve de voitures à l’arrêt, on voit leurs bustes qui dépassent et progressent comme Jésus marchant sur les eaux. Ce devrait être insupportable, mais la situation est si extraordinaire, l’image est si incongrue qu’elle en devient drôle. »