On continue la revue de la rentrée littéraire avec le nouveau roman de Thomas Reverdy ! Après Boston dans le précédent, il place cette fois-ci son intrigue en Grande-Bretagne dans les années 1978-79. « L'Hiver du mécontentement » titre le Sunpour qualifier l'hiver 1978-1979 et ses des grèves monstrueuses qui paralysent durant des mois le pays. « Voici venir l'hiver de notre mécontentement » sont aussi les premiers mots que prononce Richard III dans la pièce de Shakespeare. C’est ce rôle que va jouer Candice, jeune étudiante en arts dramatiques, dans une pièce à la distribution exclusivement féminine. Mais bien évidemment, ce n’est pas ce rôle qui va lui permettre de vivre. Elle travaille comme livreuse de journaux et c’est au travers de son regard que l’on verra s’élever un Londres presque spectral, en proie au désordre et à aux révoltes. Un autre personnage, masculin cette fois, émergera du récit : Jones, un jeune musicien brutalement licencié. Ce roman met face à face la jeunesse avec ses idéaux et la société qui semble broyer les individus comme de la chair à saucisse. En faisant se rencontrer une pièce de théâtre vieille de 500 ans et un épisode historique d’il y a 40 ans, Thomas Reverdy questionne les finalités du pouvoir et les leviers que l’on soulève pour sa conquête. Sur fond de grands mouvements de grève, Thomas Reverdy donne à voir une portion de l’histoire contemporaine au travers d’une jalousie ; celle de la création d’une pièce de théâtre.
Avec l’incipit, Thomas Reverdy place la barre très haut et fait une nouvelle fois étalage de son talent. En deux pages, il arrive à faire débouler Candice à vélo dans un Londres jonché d’ordures dans une prose chaloupée et enlevée, où l’écriture prend parfois le pas sur l’action. Faire communier si aisément et directement fond et forme est un vrai tour de force. Puis l’histoire se déroule. Le romancier nous dresse le portrait de Candice, entre rébellion et timidité. Elle a 20 ans, elle étudie donc les arts dramatiques et vient d’Islington Park, un ancien quartier ouvrier devenu un quartier de chômeurs. En quittant le cocon familial pour venir à Londres, elle va essayer de faire de sa passion son métier. Les réalités économiques du pays ne l’épargnent pas : elle est obligée de travailler la journée. Exposée au froid et au mauvais temps, aux dangers de la route et à un patron sexiste, Candice est aussi ballottée que son pays. Puis Reverdy entremêle les formes, interroge le présent à l’aide du passé shakespearien. On verse parfois dans des tirades philosophiques, puis on retombe sur le récit. C’est une narration très originale et exigeante. On sent le plaisir que prend Reverdy à ne pas interroger l’histoire de façon linéaire, à proposer des détours. Il y a une réelle volonté de tester la matière, de jouer avec les formes. Malheureusement l’ensemble romanesque n’est pas d’une qualité égale… Si deux ou trois passages et même chapitres sont excellents et s’imposent comme des jalons du récit, le roman connaît aussi passablement de creux où la narration s’enlise. Comme cette longue énumération vers la fin où chaque lettre de l’alphabet débute une phrase, un énoncé… L’écriture de Reverdy est elle toujours évocatrice de belles ambiances et de mystères, mais la narration est trop inégale pour faire de ce roman un livre qui porte son sujet – sans être un mauvais livre pour autant ! Il pêche, régulièrement, par mollesse, mais on ne saurait reprocher trop durement à un écrivain de sortir d’un cadre de narration figé, au risque de quelques écarts de route… L’hiver du mécontentement est orignal par sa construction audacieuse, mais dégringole trop souvent pour s’en sortir indemne.
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