le Banks des jeux
- 20 ans que vous dévorez goulûment de la science-fiction, et vous n'aviez jamais touché à la Culture de Banks ?! Qu'avez-vous à déclarer pour votre défense ? - Euh, euh... Que si on lit tout le...
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le 9 nov. 2013
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Que vous soyez familier de la littérature de science-fiction ou complet néophyte, ce très bon deuxième tome du vaste Cycle de la Culture – un space opera dont les épisodes largement indépendants se découvrent aisément dans le désordre ou même individuellement – a tout pour vous captiver : le rythme, l’humour et l’imagination de sa narration, comme la portée politique et philosophique de son propos.
La Culture est une civilisation utopique post-humaniste regroupant à travers la galaxie, souvent à bord de structures artificielles, une société technologiquement avancée composée d’humanoïdes augmentés, d’extra-terrestres assimilés et d’intelligences artificielles conscientes. Anarchiste et égalitariste – les genres y sont interchangeables et les notions de propriété et de pouvoir n’y existent pas –, elle offre à ses habitants une existence quasi illimitée, confortable et hédoniste, dégagée de tout tracas par la prise en charge des contingences, matérielles, politiques et sécuritaires, par des intelligences artificielles bienveillantes. Celles-ci ont notamment la responsabilité sous-jacente, discrètement exercée, des opérations diplomatiques et militaires nécessaires à la stabilité, voire à l’expansion, de la Culture lorsqu’elle rencontre des civilisations étrangères. Cette interface plus ou moins violente est du domaine d’une agence, nommée Contact, dont personne ne sait à vrai dire grand-chose.
Quelle n’est donc pas la surprise de Gurgeh, champion incontesté du jeu sous toutes ses formes au sein de la Culture, lorsque Contact sollicite son aide pour l’étude de l’Azad, un jeu d’une complexité inégalée qui structure l’organisation de l’Empire, une civilisation récemment découverte se caractérisant par un régime dictatorial et violent, aussi profondément sexiste et inégalitaire que dangereusement belliciste et colonialiste. En premier lieu peu enclin à quitter son confort pour un voyage censé durer cinq ans, Gurgeh accepte la mission sous la pression de circonstances désagréables et le voilà bientôt parachuté en plein coeur de l’Empire, étranger désarçonné par des mœurs et des valeurs à l’exact opposé des siennes, ayant fort à faire pour comprendre les règles de l’Azad, cette compétition qui ne restera jamais qu’un jeu pour lui mais qui, a contrario, décide de la place de chacun dans la société de l’Empire. A moins, au trouble grandissant de Gurgeh, que cette partie gigantesque ne revête aussi pour la Culture un enjeu insoupçonné, propre à ébranler bon nombre de ses certitudes…
Pris dans les filets d’un rythme narratif allant crescendo jusqu’au spectaculaire bouquet final, l’on reste impressionné, de la première à la dernière page, par l’envergure et la précision de l’imagination avec laquelle, non sans ironie, l’auteur construit et oppose ses deux modèles de civilisations, l’une a priori idéale, l’autre a fortiori mauvaise, au final les deux faces de notre ambivalence humaine et, à tout bien considérer, pas si binairement différentes. A vivre parmi les Azadiens, ces Barbares qui nous ressemblent tant, nous les humains d’aujourd’hui, Gurgeh lui-même évolue, éprouve malgré lui des sympathies, se sent gagné lui aussi par l’ivresse de vaincre, bien supérieure au simple plaisir de jouer. En même temps, il prend conscience des aspects les plus retors et manipulateurs de Contact, habile à lui faire endosser à son insu le rôle du Cheval de Troie pour dynamiter l’ennemi de l’intérieur. La Culture mène en réalité une guerre qui ne porte pas son nom et, toute libérale qu’elle soit, n’hésite pas à adopter les règles de l’adversaire pour mieux en prendre le contrôle. Destruction pure et simple de sociétés jugées inférieures et colonialisme de la part de l’Empire, ingérence et déstabilisations politiques de la part de la Culture, ce sont autant de pratiques courantes sur cette Terre que dénonce sarcastiquement Iain Banks, renvoyant dos à dos les clans de tout bord, aux mains aussi sales les unes que les autres.
Sur une trame magistralement tissée de suspense et d’ironie par une imagination impressionnante de cohérence et de précision, Iain Banks nous offre une addictive et réjouissante lecture à plusieurs niveaux, propre à séduire n’importe quel lecteur, adepte ou non de science-fiction.
Créée
le 19 nov. 2023
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