La réédition de cet essai, paru initialement en 1971, présente deux intérêts : celui d’être un des livres matériellement et graphiquement les plus immondes qu’on trouve sur le marché (la couverture, avec ses illustrations et le choix de ses couleurs et de ses lettrages, ferait saigner les rétines du lecteur le plus aguerri) et celui de constituer un témoignage éloquent d’une forme radicale de misogynie féminine, c’est-à-dire d’auto-misogynie. La thèse d’Esther Vilar est la suivante : les femmes procèdent à un dressage méthodique de l’homme, et ce dès la petite enfance, dans le but de lui inspirer une fascination entièrement artificielle pour la femme qui le contraindra à l’entretenir toute sa vie au travers de l’institution du mariage dont elle est la seule bénéficiaire. Plus la libido de l’homme est forte et plus il est soumis au dressage, d’autant que la femme simule une extrême sensibilité (en affectant par exemple une certaine propension à pleurer) alors qu’elle est en moyenne moindre que celle des hommes.
Aussi outrancière que pouvait l’être en son temps un Proudhon (mais avec moins d’éloquence), voire un Otto Weininger, l’auteur dresse le portrait de femmes dont « l’intelligence et la vie sentimentale se sont cristallisées à un niveau primitif », qui ne sont « bonnes à rien », dont la spontanéité se limite à « une paire de cartes perforées qui débitent toujours la même série d’insanités stéréotypées », qui ne hurlent durant l’accouchement que « par une absence totale de fierté et de maîtrise de soi » et qui ne trichent et jouent leur rôle que pour détourner l’attention « de l’odeur de putréfaction que dégage, sous un masque séduisant, un esprit en constante décomposition ». Ce mépris maladif pour le « deuxième sexe », qui mêle haine de soi, puritanisme et misanthropie désespérée, est intéressant à découvrir non pas comme analyse crédible de la psychologie féminine mais comme symptôme d’un certain masochisme moderne. Ce livre, qui a bien vieilli sur certains aspects (il parle d’un monde où les femmes ne travaillent pas et où les hommes portent tous le même costume), s’avère plus instructif sur ce qu’il révèle de son auteur que des rapports hommes-femmes véritables.