En fait, Camus est, dans son ouvrage, un aristotélicien cherchant à renouer avec l'homme de chair d'aujourd'hui plutôt que de le sacrifier au profit de l'homme idéal de demain.
Refusant toute compromission avec les conséquences mortifères de la révolution de 1917 sans pour autant glorifier un passé fait d'injustice, Camus, tel Aristote, cherche un juste milieu, la révolte, refusant deux formes de nihilismes jumeaux.
Périlleux exercice d'équilibriste à l'heure du duel entre Aron et Sartre cet ouvrage apporte une lecture particulièrement vivifiante de l'histoire des idées de la révolte et du soulèvement contre l'ordre établi, du XVIIIe siècle à nos jours, convoquant Hegel, Nietzsche et Marx, Saint Just et Lénine, les anarchistes russes et Stirner, Pougachev et Bakounine et tant d'autres références qu'on ne pourrait les citer toutes.
En tout état de cause, l'exercice et réussi et on a le sentiment à la fin de l'oeuvre, que Camus a su trouver son chemin de crête, pourtant étroit, de la révolte, double refus de la liberté illimitée pour soi ou pour les autres, et refus des théologies qui les justifient, qu'elles en appellent à Dieu ou au sens de l'Histoire. Malgré ces refus, il n'en demeure pas moins que la révolte est une voie d'action qui, pour paraphraser Camus, a l'efficacité de la sève plutôt que celle du typhon.