Biologiste spécialisé dans les questions de procréation, Jacques Testart s’exprime régulièrement en faveur d’une démocratisation des choix techno-scientifiques que la société est amenée à prendre à notre époque. Or, l’irruption de ces questionnements dans le débat public sert souvent de prétexte à la classe politique pour se dispenser de l’aval populaire en arguant de la trop grande complexité des enjeux. Face à ce déni de démocratie et à l’instrumentalisation des progrès scientifiques par les grands industriels, Testart propose d’accorder plus d’importance à la recherche fondamentale, « cette recherche cognitive, orpheline de l’économie de marché », moins soumise à la rentabilité immédiate, et de faire inscrire dans la Constitution le recours de l’Etat à des conventions de citoyens afin de pouvoir « officialiser des procédures vertueuses ». Ce modèle de consultation populaire, né au Danemark, permet, sur la base d’un tirage au sort, de mettre en place des panels de citoyens appelés à se prononcer sur ces questions-là au terme de séminaires de formation prévus à cet effet. « A l’occasion des conférences de citoyens, on combine une formation préalable (où les citoyens étudient) avec une intervention active (où les citoyens interrogent les experts qu’ils ont choisis) et un positionnement collectif (où les citoyens avisent entre eux). »
Testart dénonce les fausses promesses de l’institution française dite du débat public (comme lors du débat sur l’identité nationale), qui n’est qu’un simulacre de démocratie participative : « Il faut rompre avec l’hypocrisie des alternatives, du référendum bâclé au sondage d’opinion, qui permettent essentiellement de recueillir l’opinion qu’on avait d’abord inculquée. » La convention de citoyens, si éloignée de cette « démocratie délégataire », se fonde sur une base philosophique particulière que l’auteur appelle l’humanitude, soit l’émulation collective née d’un groupe en effervescence, l’ensemble des « qualités que peut manifester une personne en communion avec ses semblables pour proposer, en responsabilité, des actions bénéfiques au plus grand nombre ». Ce nouveau modèle constitue un « creuset pour le renouveau d’une démocratie usurpée » et permettrait de réduire le poids décisionnel des experts et les pressions des lobbies en donnant la place qui leur revient aux citoyens ordinaires sur des questions aussi cruciales que les OGM dans l’agriculture, la gestion des déchets nucléaires, l’euthanasie ou les nanotechnologies.