S’inscrivant dans la tradition des contes, L’Ickabog prend place dans un pays imaginaire, La Cornucopia, dirigé par un Roi plus soucieux de plaire que de régner. Le peuple semble pourtant heureux et ne manquer de rien. Ses habitants vivent de mets délicieux aux noms très imagés qui nous feraient presque salivés… Seuls les habitants des Marais, situés au nord du pays, semblent privés de tout et vivent dans la peur d’être dévorés par la créature monstrueuse qu’est le mystérieux Ickabog. S’il n’a jamais été vu par personne, le monstre prend des formes variées selon qui le décrit, son existence ayant surtout valeur à effrayer les enfants. Lorsque le Capitaine de la Garde Royale est tué au cours d’une campagne visant à trouver et tuer l’Ickabog, les deux conseillers du Roi voient là l’occasion de prendre le pouvoir.
Le récit prend alors un tournant plus politique dès lors que Lord Crachinay et Lord Flapoon décident de nourir les peurs de tout une population pour s’accaparer le pouvoir et faire fortune à grand renfort de taxes, censées lever des fonds pour la Brigade anti-Ickabog chargée de la protection de tous. J.K. Rowling parvient à mettre en place une dictature et en détaille la mise en place avec tous les rouages d’une machination bien huilée. Le récit interroge alors sur la notion même du monstre, invitant le lecteur à voir au-delà de l’apparence physique pour mieux se concentrer sur la personnalité des deux lords.
Si l’histoire en elle-même n’a pas la même profondeur que les autres titres de l’auteure, il est intéressant de voir que J.K. Rowling a choisi de publier ce titre, d’abord à titre gracieux via internet, durant l’épidémie de covid-19 qui, en 2020, a perturbé l’ordre établi de nos sociétés et donné aux différents gouvernements à travers le monde le pouvoir de restreindre nos libertés à force de confinements et de fermetures de lieux considérés non-essentiels. On peut y voir un moyen pour l’auteure de rappeler aux dirigeants comment s’installe un pouvoir totalitaire en maintenant le peuple dans la peur. Le propos reste pertinent et permet d’aborder une notion complexe avec des lecteurs plus jeunes qui, s’ils auront besoin d’être guidés sur ce point, y trouveront à côté une histoire drôle et rondement menée par une main experte dans l’écriture de textes proposant plusieurs niveaux de lecture.