L'Île atlantique est un de ces romans assez typiques du style Minuit des années 70. Il s'attachera essentiellement, le long de ses trois cent et quelques pages, à mettre en scène le quotidien d'une bande de gamins semi-errants dans une petite ville fictive non nommée, sur une île bordée par l'océan, alors que la médiocrité, la saleté ou la violence de leurs parents les forcent à se construire en autonomie.
Classiquement pour la période, on retrouvera avec familiarité l'emploi d'un style oralisant plein de cassures syntaxiques, une intrigue statique et en sauts de puce sans réels protagonistes favorisés, et un certain libéralisme de ton et de thème portant surtout sur les évocations du corps et de la sexualité.
Le roman s'étend dans quelques directions assez balisées sans vraie colonne vertébrale qui chercherait à nous amener quelque part ; il s'agit de peindre à travers divers modèles de familles (les intellectuels libéraux, les cafetiers, les ouvriers, les petits commerçants, les notables) la misère existentielle un peu crado du petit Français, vulgaire et sans ampleur, vaguement bestial mais pas avec tant d'outrance que ça passée la grossièreté volontaire du langage. Cette sociologie molle que propose le roman n'a rien d'inédit mais elle marche efficacement dans sa satire contrôlée, ce qui fonctionne le mieux dans le livre est certainement à chercher de ce côté-là. Les adultes typifiés par leur place dans l'ordre socio-économique sont convaincants.
L'autre particularisme du bouquin réside dans la fréquence et le détail de ses scènes homosexuelles entre jeunes gens, puisque l'auteur, Tony Duvert, est un militant pédophile revendiqué et tout à fait explicite, direct dans sa démarche. Si ces scènes de rencontres semblent parfois voulues pour démontrer le plaisir harmonieux et naturel, inné, que des jeunes garçons seraient censés ressentir face à l'expérience, elles filent plus souvent l'ambiance un peu crado créée le long de l'histoire par une perception matérielle / matérialiste et dégoûtante de la satisfaction du désir. À cet égard, les scènes de bouffe autour de la Seignelet sont assez bien pensées, et marchent tout de même mieux que ces longues histoires de fèces et de trous du cul.
C'est un poil long et chargé pour ce que ça a à vendre. Et le caractère océanique du décor – ce pour quoi j'achetais le livre – ne lui apporte vraiment rien.