J’avais lu le roman de Jules Verne en version abrégée au collège dans la collection de la Bibliothèque verte. Je me souvenais encore de l’histoire et des personnages, et j’en avais gardé un très bon souvenir. C’est ce qui m’a donné récemment l’envie de le relire, bien sûr en version intégrale avec les (exactement) 154 illustrations d’époque de Férat.
Ce roman clôt, en 1874, le cycle comprenant « Les enfants du capitaine Grant » et « Vingt mille lieues sous les mers »
Lors de la guerre de sécession, pour échapper au siège de Richmond par les confédérés, cinq hommes organisent une évasion en ballon. Une violente tempête va bouleverser leurs plans. Ils vont ainsi se retrouver sur une île déserte et inconnue en plein pacifique entre la Nouvelle-Zélande et l’Amérique du Sud.
Dès les premières pages, le lecteur est plongé dans une aventure hors du commun. Le roman commence d’emblée en pleine action avant de faire un petit retour en arrière pour la présentation des personnages. Par la suite ceux-ci ne seront guère plus développés au profit du personnage principal qui est l’île Lincoln.
Le rythme du livre ne s’essoufflera jamais durant les 800 pages. Chaque chapitre étant ponctué d’un rebondissement ou d’un événement, suscitant l’envie de poursuivre la lecture.
Jules Verne fait une description de la géographie, de la faune et de la flore, documentée et très réaliste. Tout semble bien en place. D’ailleurs cela m’a poussé à aller au-delà du livre et à faire des recherches sur ce qui m’était, jusque-là, inconnus.
Savoir à quoi ressemble la croix du sud par rapport à notre étoile polaire. Apprendre l’origine de l’eucalyptus. Qu’est-ce qu’un culpeux des malouines ? Des lithodomes, un jacamar … etc.
Ça peut paraître rébarbatif, énoncé comme cela, mais tellement intéressant au sein de cette histoire.
J’ai utilisé à maintes reprises le plan de l’île, présent dans le livre, pour suivre les explorations de ces naufragés venant des airs. J’ai lu attentivement l’inventaire du trésor trouvé sur la pointe de l’épave, en imaginant l’utilité de chaque objet pour la suite de l’histoire.
Ainsi, cette lecture fut une totale immersion dans l’histoire et ses personnages. Dont chacun d’eux, d’ailleurs, se complètent admirablement par leurs capacités et leurs connaissances.
Le personnage de Pencroff est celui, qui, de loin, m'a le plus touché. Une sorte de capitaine haddock. Homme bourru, bon vivant, drôle, courageux et sensible (voir l’épisode de la blessure du jeune Harbert). Ce personnage est le plus riche et le plus attachant des autres colons à mes yeux. D’ailleurs chacun de ses « Hurrah » ponctuant victoires et découvertes inespérées m’ont été très communicatif.
Effectivement, on peut dire que l’île Lincoln (comme le dira Pencroff) est une île idéale pour faire naufrage. On y trouve presque toutes les ressources naturelles, qui seront ensuite complétées par celles de l’île Tabor. Ça peut paraître un peu facile, tout comme toutes les trouvailles de Cyrus Smith peuvent sembler un peu exagérées. Mais disons que pour moi, cela fait partie du merveilleux de ce roman.
D’ailleurs, cette île devenant « conquise », la grande interrogation que je me suis faite en arrivant sur les derniers chapitres, était : est-ce que si les colons retrouvent la civilisation vont-ils vouloir revenir sur cette île ? Les évènements qui suivront ces derniers chapitres, apporteront une réponse.
D’autres éléments, peuvent aussi sembler incohérents comme le fait qu’il n’y a jamais de tension ou de désaccord entre les différents protagonistes ou l’absence de femmes, pas même une évocation. Mais là aussi, est-ce que cela n’aurait pas compliqué l’histoire de Jules Verne devant traiter des rapports hommes-femmes au détriment du rythme de son aventure ? C’est peut-être la raison pour laquelle ses personnages hommes sont aussi toujours en accord entre eux, ceci pour ne pas ralentir la trame de l’histoire.
Il y a cependant une idée qui ne m’a pas complètement convaincu. Celle de l’adoption de Jup, l’orang-outan, et de son humanisation par les colons. Surtout qu’elle ne trouve pas tellement d’intérêt dans le roman de mon point de vue.
Ce livre fait partit des meilleurs romans d’aventure que j’ai lus. D’ailleurs Stevenson autre grand romancier d’aventures, s’inspirera de beaucoup d’éléments de « l’île mystérieuse » dans son « île au trésor ». L’ex-convict Ben Joyce redevenu Ayrton à son équivalent dans le roman de Stevenson en Ben Gunn marronné(1) lui aussi. Autre point commun, l’épisode complet d’Ayrton allant épier les pirates sur le Brick, notamment quand il se hisse à bord, ressemblant à l’équipée de Jim Hawkins à bord de l’Hispaniola. Tout comme l’apprentissage de l’existence que fait le jeune Harbert auprès de Cyrus Smith et Pencroff renvoie à celle de Jim. L’enclos fortifié de l’ile au trésor présente le même décor que le corral de Jules Verne. Le nom du capitaine Smollett rappelant étrangement celui du reporter Gédéon Spilett. De même que les noms de la colline de longue vue chez l’un et le plateau de grande vue chez l’autre. Sans parler de la carte, du trésor …etc.
Toutes ces similitudes sont tellement flagrantes que c’est trop pour qu’il s’agisse vraiment d’un hasard.
Ceci pour dire que l’île mystérieuse a en plus été une source d’inspiration pour nombre d’auteurs. En cela, c’est un livre référence qui aura marqué le roman de genre robinsonnade.
En lisant l’île mystérieuse vous aurez un beau roman qui privilégie l’aventure, certes sans grandes épreuves et sans souffrances, et cela peut paraître un peu lisse à certains. Seulement, ce roman ne s’est pas voulu être un guide de survie ultra réaliste en milieu hostile. Mais une simple histoire extraordinaire faite pour s’évader. Une histoire qui réveille nos souvenirs d'enfance de cabane dans les arbres, de couteaux suisse et de nuits à la belle étoile.
(1) Abandonné sur une île déserte.