Dans cet essai, le professeur Fabrice Hourquebie nous propose une réflexion sur l’indépendance des magistrats, indépendance qui ne peut pas seulement être assurée par la Constitution mais aussi par l'attitude du magistrat ainsi que celle de la magistrature dans son ensemble. De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités…
Depuis sa création, l’autorité judiciaire n’a cessé d’être sous le feu des critiques, oscillant entre crainte et respect ou encore confiance et défiance. Que les craintes soient légitimes ou non, il faut pourtant apprendre à modérer ses propos... En effet, s’il est nécessaire de pointer du doigt les failles de la magistrature, il n’en demeure pas moins que les juges sont les garants de l’État de droit. Et n’en déplaise à Monsieur Reailleau, il protège chacun et chacune d’entre nous.
Ainsi jeter l’opprobre sur le corps de la magistrature est dangereux comme le serait une omerta sur ses écarts. Mais Fabrice Hourquebie nous démontre sa parfaite maîtrise de cet exercice d’équilibriste consistant à poser un regard objectif, critique et bienveillant sur notre institution judiciaire.
Grands oubliés de ce livre, les juges de l’ordre administratif ne sont malheureusement pas évoqués alors que la question de leur indépendance est, à mon sens, particulièrement discutable. C’est là le seul point négatif de cet essai.
Fabrique Hourquebie souligne par exemple le paradoxe de la proclamation du principe d’indépendance du pouvoir judiciaire, qui implique donc une distance avec le politique. Alors que l’article 64 de la Constitution fait du Président de la République le « garant de l’autorité judiciaire ». A ce sujet, il regrette, malgré la tentative du projet de loi constitutionnelle de 2013 et les préconisations du rapport « Refaire la démocratie » de 2015, que le CSM ne substitue toujours pas le Président… Comme le prévoyait pourtant le dernier projet de révision constitutionnelle aujourd'hui au point mort.
Selon l'auteur, l'indépendance doit se penser comme une interdépendance. Mais attention interdépendance n'est pas confusion. Pour le dire autrement, la magistrature doit se tenir à une distance optimale de son environnement, qu’il soit politique, médiatique ou même interne (le corporatisme mettant également à mal l'indépendance des juges). Comment maintenir cette distiance ? Par le défaut de loyauté du juge ou son « devoir d’ingratitude » pour parler comme Robert Badinter.
Notre justice est celle des hommes. Perfectible et reposant en grande partie sur leur éthique. C'est terrifiant mais comment pourrait il en être autrement ?