Longtemps fâchée avec le féminisme et leurs représentantes, Virginie DESPENTES a, en 145 petites pages, réussi à ébranler quelques-uns de mes fondamentaux. Sans imposer brusquement son avis, elle pousse insidieusement à la réflexion sur la position de la femme dans la société.
Je ne me risquerais même pas à résumer le passage « Impossible de violer cette femme pleine de vices », relatif au viol, de peur de le dénaturer, mais je voudrais souligner la justesse du chapitre traitant du porno. Ce monde, qui lui semble pourtant nécessaire car révélateur de nos désirs les plus profonds, positionne une nouvelle fois la femme en paria. En effet, c’est un domaine où la société la stigmatise une nouvelle fois alors que l’homme est adulé : Nikita Bellucci est une pute, une sous-femme, qui n’a pas le droit de penser ou d’avoir une opinion sur l’éducation des enfants, pendant qu’on fait des documentaires sur Rocco Siffredi.
Ce chapitre, « Coucher avec l’ennemi » relatif à la prostitution, a sûrement été le plus perturbant pour moi, remettant irrémédiablement en cause tout ce que j’ai toujours cru établi. J’ai en effet toujours considéré la prostitution comme une activité devant être interdite sans jamais me demander à un seul instant pourquoi. Aujourd’hui, après avoir refermé le livre de Virginie DESPENTES, je n’arrive toujours pas à répondre à cette question. Selon moi, c’est bien ce passage qui fait la force du livre en tant qu’essai, c’est un appel à la réflexion. Si les raisons de la prohibition de la prostitution, principalement sociales, avancées par l’auteur ne m’ont pas totalement convaincu après coup, elles restent cohérentes, probables et peuvent êtres ancrées dans l’inconscient collectif.
Enfin, s’insurgeant contre les notions de féminité et de masculinité, elle affirme que l’émancipation féminine ne sera possible seulement lorsque les hommes seront prêts à se détacher des dictats dans lesquels la société les a également enfermés. C’est cette idée, présente tout le long du livre, qui fait de ce livre féministe, un livre qui ne dessert pas la cause qu’il défend : il n’est pas excluant et aveuglément (pour ne pas dire bêtement) pro-femme.