Imaginez un gouvernement pour lequel la peur est le seul moyen de contrôler la population. C’est dans ce contexte qu’une femme reçoit la visite de deux fonctionnaires dans son appartement. Ils sont là pour installer la peur. Avant de leur ouvrir la porte elle ne manque pas de cacher son enfant dans la salle de bain lui demandant de garder le silence jusqu’au départ des deux hommes. Et là commence un étrange manège. Il y a un des deux qui est bien habillé et qui manie les mots à merveille. Il instille par son langage des doses de crainte parlant tour à tour des étrangers, du marché, de terrorisme, d’économie, de guerre. Son acolyte en bleu de travail est son support technique pour l’installation de la machine. Et quand il descend chercher du matériel dans son camion, on assiste à une indubitable logorrhée verbale qui envahit le moindre centimètre carré de l’appartement.
Véritable huis clos suffocant, « l’installation de la peur » démonte le mécanisme insidieux de notre société contemporaine. Rui Zink rythme son récit en ayant recourt à différents procédés de narration qui permettent au lecteur des pauses respiratoires salutaires. L’auteur le parsème de contes cruels, d’anecdotes apocalyptiques, de scénarios catastrophes comme par exemple le mode de propagation d’un virus. Si l’inquiétude peut paraître légitime de part ce face à face étouffant entre la femme et cette homme bien mis, ce sont les mots qui sont les incontestables acteurs de ce huis-clôt. L’auteur joue sur les angoisses de notre société suralimenté par des chaînes d’informations en continues, et des gros titres anxiogènes. Entre théâtre et poésie, avec des listes à la Prévert, « l’installation de la peur » joue avec les angoisse d’une société contemporaine mise à mal dans un monde qu’elle ne comprend plus. La fin inattendue de ce court texte de moins de 200 pages, véritable coup de théâtre rajoute ce sentiment qu’on aimerait bien voir ce texte monté sur scène. Notre vieux monde est bien malade et Rui Zink sait trouver les mots pour nous en parler !