J’ai lu quelque part que Neil Gaiman faisait partie des plus grands conteurs de l’histoire de la littérature. Je suis pour ma part assez friand de ses nouvelles et de ses romans, et je ne peux qu’être d’accord avec cette déclaration qu’on pourrait un peu vite taxer de péremptoire.
En tout cas en France, car pour l’instant il n’a pas eu l’insigne honneur d’être accepté au sein de notre grand pays du livre dans la catégorie des vrais auteurs. Les temps changent puisque quelques illuminés tenant du réalisme magique ou même de la fantaisie (telle que décrite par Tolkien) voire de la science-fiction commencent à être acceptés comme de membres importants de la famille ô combien fermée des écrivains (Cormac McCarthy pour de mauvaises raisons, George R.R. Martin pour des plutôt bonnes), mais Neil Gaiman pas encore.
Ca viendra j’imagine, si il a la bonne idée de faire adapter ses bouquins par HBO plutôt que par la BBC (« Neverwhere » est écrit pour la télévision ceci dit, pas adapté d’un livre), mais dans l’immédiat il passe sous le radar. Et quel dommage ! Entre « Sandman » qui est de mon point de vue la meilleure publication de comics de l’histoire d’un côté, « American Gods » pour les romans, et le recueil « Des choses fragiles » pour les nouvelles (entre, autres, je n’ai pas la prétention d’être exhaustif), Neil Gaiman a marqué de son empreinte les 25 dernières années de la littérature.
Très référencé d’un côté, il est régulièrement dans l’hommage malicieux aux pères fondateurs (de Poe à Shakespeare en passant par Lovecraft), particulièrement créatif par ailleurs, Gaiman construit en effet une œuvre touffue, variée et intelligente depuis ses débuts.
L’océan au bout du chemin, qui raconte le retour du narrateur sur les lieux de son enfance à l’occasion de funérailles joue comme plusieurs de ses écrits sur le rapport à l’enfance, à la mémoire, au merveilleux qui se trouve « au bout du chemin ». Pas de nécessité de décrire un monde fantastique sorti des méandres de son imagination, puisque tout est là, au bout du chemin derrière la maison, dans cette masure étrange dans laquelle on n’entre pas et qui recèle forcément un monde à elle seule.
Cette faculté à ouvrir une porte sur un imaginaire somnolant dans le réel et ne demandant qu’à s’éveiller se retrouve régulièrement chez Gaiman (dans « Sandman » par les rêves, dans « Stardust » derrière le mur à côté du village, dans « La présidence d’Octobre » au sein du recueil « Des choses fragiles » au bout d’un trajet en bus…) et l’enfance, si elle n’a pas la puissance créatrice pour imagine clairement ce monde caché, y est malgré tout particulièrement sensible. Une inévitable nostalgie prend le lecteur quand il referme « L’océan au bout du chemin », mais très vite c’est l’attente qui gagne.
L’attente du prochain bouquin du grand Neil.