Après un premier tome totalement déjanté, autant dire que je me suis rué sur L'oeil de la lune. J'attendais avec impatience le retour du Bourbon Kid, du Tapioca, Sanchez, de cette ville de malades et de cette folie latente au fil des pages.
Attention cependant; les premiers chapitres sont une vraie déception. Tout le piquant du premier tome venant, à mon sens, de cette montée en puissance des délires surnaturels: vampires, loup garous, créatures du mal et autres n'apparaissaient que lentement, bien que brutalement, derrière ce qui avait tout l'air au premier abord d'un simple polar.
Ici, on ne perd pas de temps; dès le début, l'existence de tout ce beau monde surnaturel est reconnu comme vrai, arrive en tornade et à grand renfort de massacres. Le problème de ce roman, c'est qu'il commence trop fort; là où anonyme aurait eu tout à gagner à faire ressurgir son univers inquiétant en douceur, revenant peut être davantage sur les anciens personnages, il choisi plutôt de balancer de grosses scènes d'action, certes essentielles à la compréhension de la suite de l'histoire (encore que le coup de l'église attaquée par les vampires n'était que de la surenchère), mais bien trop précoces, à mon avis.
Résultat: on se sent en décallage, dans l'univers d'anonyme. On ne sait pas vraiment si tout le monde considère l'existence des créatures du mal comme normal, ou pas. On ne sait pas vraiment si ce délire est assumé ou juste totalement mauvais. On ne rentre pas tout de suite dans la danse, et du même coup, on sourcille devant ce style très léger, parfois franchement mauvais. On lève les yeux au ciel devant des idées ma foi bien ridicules et trop vite réalisées.
Et puis, on s'accroche un peu, et tout à coup, la sauce prend. Et la magie opère: le mauvais style de l'auteur? On ne le voit plus. Les idées ridicules? Elles nous paraissent à présent délirantes et géniales, osées. Les actions fracassantes? Un pur régal entre absurdité de la surenchère et glauque immonde. L'action est menée à tambour batant et on ne décroche que très peu du roman.
Le scénario est, certes, bien plus prévisible que sur le premier tome; l'enchainement des chapitres moins agréable, on a l'impression de suivre un feuilleton, chaque fin de chapitre étant écrite spécialement pour nous laisser sur notre faim (comme la fin du tome, en fait).
Malgré tous ses défauts, je ne peux me résoudre à mettre une mauvaise note à ce roman, simplement parce que j'ai passé d'excellents moments à le lire, que je l'ai dévoré. Alors, même si ce ne sera jamais de la grande littérature, même si c'est peut être de la littérature de gare et même si c'est bourré de défauts, c'est quand même quelques heures de pur divertissement qui nous est offert ici.
Une fois le bouquin fini, on attend plus qu'une chose: le retour du Bourbon Kid.