L'Œuvre par BibliOrnitho

Claude Lentier est un peintre sans le sou. Dans son grenier au cœur de Paris, il travaille à une grande toile qu'il a baptisé Plein air : un coin de sous-bois représentant trois femmes nues sous l'œil d'un homme vêtu et représenté de dos au-devant de la toile.
Une nuit, alors qu'il rentre chez lui au cœur d'un orage d'été, il recueille Christine, une jeune femme fraichement débarquée de Clermont et débarquant en pleine nuit à Paris pour la première fois. Une liaison s'établit entre eux au fil des mois suivants. Et à l'instar de cette jeune relation se construit la toile de Claude. Les deux ébauches finissent par se mêler : Christine pose pour la principale femme nue. Mais le tableau est refusé : le jury du Salon auquel Claude avait envoyé son œuvre censure cette innovation. Au Salon des refusés, le public ignorant rit de cette toile qu'il juge indécente et délicieusement scandaleuse.
Claude s'acharnera au cours des années suivantes, continuant de peindre ces toiles innovantes que le jury lui refuse de façon systématique. Il s'aigrit, perd le goût de la vie, l'entrain qui le poussait en avant. Christine souffre elle aussi. Cette peinture qu'elle exècre lui vole son mari.
Zola décrit ici le début du mouvement impressionniste. Claude Monet a vu, lui aussi, ses toiles refusées, notamment La Pie au Salon de 1869. Dans L'œuvre, Zola critique le monde artistique de l'époque, ce jury médaillant les amis et non les artistes. Mais le mouvement initié par Claude Lentier finit par faire des émules. Beaucoup d'autres peintres viennent à l'imiter et finissent par réussir contrairement au maître qui reste l'initiateur et ne retire aucune gloire de son innovation.
Un livre très fort, une nouvelle critique ouverte de ce Second Empire corrompu et faux. Un livre magnifique dans lequel s'étalent la verve et le génie de Zola. Une écriture superbe qui enchante le lecteur de la première à la dernière ligne malgré la noirceur du thème, la souffrance des personnages, la misère de l'époque.