Fable délirante et alcoolisée de l'Ouest américain !
Une révélation de ce début juillet, grâce à mes collègues et ami(e)s de la Librairie Charybde !
Petit livre de 1984, ce récit délirant de la cohabitation, dans une improbable ferme de l'Ouest américain, d'un jeune adulte obsessionnel, de son grand-père quasi-immortel grâce aux vertus d'un alcool de son invention, et d'un... canard géant, a de quoi surprendre, émouvoir, faire rire, sourire et penser !
"Tous les après-midi, sauf le dimanche, face à face sur la galerie, Pépé Jake tenta d'apprendre à l'oiseau à battre des ailes. Ce n'était pas facile... Canadèche les étirait comme pour s'aérer les aisselles, tentait parfois une vague ondulation, mais elle ne semblait nullement intéressée par un battement quelconque et tant soit peu soutenu. Il s'entêta... Debout, en chaussettes, fendant l'air de ses bras osseux, il lui promettait, à chaque battement de ses ailes à lui, les délices du vol. Il lui fichait son billet que c'était encore plus agréable que de baiser toute une nuit avec la plus fraîche des filles de seize ans ! Meilleur qu'une tartine de rillettes sur du pain noir ! Meilleur que le clair de lune sur les sapins d'argent et meilleur que des gerbes de fleurs éclatant au plus profond de la cervelle... Le vol, disait-il, était supérieur à tout ce qu'on peut se mettre dans le bec et sous la dent - c'était la liberté majuscule et le summum, la quintessence du plaisir."
En prime, une superbe postface de Nicolas Richard, dans laquelle on trouvera notamment ces mots fort justes : "Jim Dodge appartient à sa manière à la communauté des poètes du Grand Ouest américain, à supposer que cette notion corresponde à quelque chose : on pense à Richard Brautigan et son "Général sudiste de Big Sur" pour les divagations pacifiques, au James Crumley de "La danse de l'ours" pour mille raisons, au Denis Johnson de "Déjà mort" pour les vies d'aventure remontées au petit bonheur (...), ... à tous ces tendres déconneurs qui dans les effluves matutinaux de café remettent leur casquette, leur épaisse chemise à CARREAUX, et remontent dans le pick-up intersidéral de leurs vies cabossées."
105 pages de joie intense, en attendant de se lancer dans le grand roman "Stone Junction".