Maigret apparaît dans Pietr-le-Letton, en 1931 : « La charpente était plébéienne. Il était énorme et osseux. Des muscles durs se dessinaient sous le veston, déformaient vite ses pantalons les plus neufs. Il avait surtout une façon bien à lui de se camper quelque part qui n'était pas sans avoir déplu à maints de ses collègues eux-mêmes. C'était plus que de l'assurance, et pourtant ce n'était pas de l'orgueil. Il arrivait, d'un seul bloc, et dès lors il semblait que tout dût se briser contre ce bloc, soit qu'il avançât, soit qu'il restât planté sur ses jambes un peu écartées. La pipe était rivée dans la mâchoire. »


Georges Simenon est un génial graphomane belge. 103 romans policiers et 117 romans “durs“, traduits en 55 langues, plus de 500 millions de livres vendus, des centaines d’adaptation pour le cinéma ou la télévision. Vingt-cinq acteurs ont endossé le rôle de Maigret. Jean Gabin minaudait, l’œil trop malicieux et la moue goguenarde, Jean Richard était minéral, seul Bruno Cremer trouva le juste équilibre entre le regard vif et la lourde stature. Simenon est l’auteur francophone le plus traduit au monde après Jules Verne. Comment ne pas le comparer avec Agatha Christie et ses trois milliards d’opus vendus ? Tous deux partagent la même passion pour les dialogues, le dédain pour la police scientifique et la chasse aux indices, le travail sur la psychologie de leurs personnages. Ils se retrouvent dans cette fabuleuse productivité, cette capacité à renouveler indéfiniment histoires et personnages. Proches, certes, mais différents.


Agatha Christie se lançait des défis : un huis-clos, un wagon, une île déserte. Jamais elle ne s’éloigna de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie britannique, conservatrice et rentière. Hercule Poirot finaude, le dandy apatride et solitaire capte la confiance de ses suspects et parvient à les surprendre.


Maigret, l’homme monolithique au feutre mou, au lourd pardessus noir, la pipe au bec et les pognes dans les poches, observe et rumine. Bien que statique, au fil des enquêtes, il ausculte toute la société française des années 30 à 60, riches et pauvres, jeunes et vieillards confondus. Il conserve une vie de famille : chaque soir, il range ses dossiers et retrouve madame et ses bons plats. Le dimanche, ils déjeunent avec le docteur Pardon et son épouse. Le vieux fonctionnaire pourrait paraître désabusé, usé par les crimes sordides, les jalousies recuites et les veules revanches tardives, pourtant, il conserve la capacité à s‘émouvoir d’un geste généreux, d’un sourire gratuit ou d’une demande de pardon. « S'il n'avait pas une haute idée des hommes et de leurs possibilités, il continuait à croire en l'homme ».


Ce soir, Maigret enquête sur l’assassinat d’un riche industriel, place des Vosges. L’histoire, écrite en 1932, a étonnement peu vieilli, Maigret est atemporel. Il interroge ses deux femmes, l’actuelle et l’ancienne, sa maîtresse, son fils, les voisins, la concierge. La routine. Convoitises et rancunes… La danseuse est gentille et le mort était un brave type. Triste affaire.


PS L’ombre chinoise a connu pas moins de cinq mises en scène : une en anglais, deux en italien, deux autres en français.

Step de Boisse

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