"Va mourir, toi et tes livres !"
Qui aurait pu prédire, il y a 10 ans, le succès monstrequ'allait rencontrer le Donjon de Naheulbeuk ? A la base un simple délire de rôliste inspiré des célébrissimes "deux minutes du peuple" de François Perusse, cette parodie de jeu de rôle devint rapidement un objet de culte. Avec une première saison fabuleuse, et une seconde un peu en deçà mais tout de même de très bonne qualité, (l'ensemble ayant demandé près de 5 années de travail), Naheulbeuk est devenu une véritable succès story à la française, plaçant son créateur, John « Pen of Chaos » Lang, au panthéon des stars de la communauté geek francophone.
Deux saisons audio, mais aussi un très grand nombre de produits dérivés, qui rencontrèrent eux aussi un certain succès : la bd « officielle » dessinée par Marion Poinsot, une autre bd en forme de spin off (la Tour de Kyla), un jeu de rôle papier, un jeu de plateau, des figurines, une encyclopédie en plusieurs volumes, s, et un groupe, le Naheulband, au sein duquel Lang est la figure centrale : cette joyeuse bande festive a su s'imposer comme un invité de luxe dans de nombreuses conventions, grâce a des entraînantes compositions folk parfois teintées de métal (écoutez la bataille de Zoug Amag Zlong ou La Complainte de la Serveuse, si possible en live !).
De plus, le succès du Donjon de Naheulbeuk inspira de nombreuses personnes qui se lancèrent elles aussi dans la série audio, pour des résultats à la qualité très variable (le haut du panier étant à mon sens tenu par Reflets D'Acide, de JBX).
Ayant découvert la série de John Lang à ses débuts, j'en suis vite devenu fan, connaissant quasiment par cœur tous les dialogues des deux saisons audio. Lorsque leur créateur annonça que les aventures de notre groupe de bras cassés allaient se poursuivre non plus en mp3, mais sous forme de livres, je me suis montré très dubitatif. Comment transcrire en livre une saga qui fonctionne notamment grâce à ses voix cultes ? Sans compter que les textes des « Encyclopédies de la Terre de Fang », plutôt bâclés et rarement drôles, m'avaient franchement déçu.
En empruntant à la médiathèque du coin La Couette l'Oubli, premier roman estampillé Naheulbeuk, je ne m'attendais au mieux qu'a un résultat passable. C'était oublier le talent de John Lang, qui avait par ailleurs déjà co-écrit un roman deux ans auparavant (Le Bouclier Obscur). De façon inattendue, j'ai pris un grand plaisir à lire ce livre, y retrouvant toute l'ambiance de la série audio, et un scénario drôle et efficace. C'est tout naturellement donc que je me suis procuré le deuxième tome, l'Orbe de Xarax, qui fait office de quatrième saison.
Le livre démarre en trombe avec notre groupe d'aventuriers qui, après avoir sauvé le monde dans le tome précédent, se fait courser par un gigantesque géant des collines. Après avoir vaincu ce danger de manière improbable, ils finissent par foutre, comme à leur habitude, le bordel dans une taverne, et l'un des membres du groupe décède (mort pitoyable s'il en est). Désireux de rendre la vie à leur frère d'armes (et appâtés par les potentiels points d'expérience qu'ils recevront après un tel acte), ils se rendront dans la tentaculaire cité de Waldorg, afin de trouver un mage acceptant de pratiquer le sortilège de résurrection. Le groupe finira par être au centre d'un odieux complot, mais, comme toujours, rien ne se passera comme prévu…
On retrouve dans ce roman tout ce qui fait le charme de la série audio. La personnalité de nos héros (du moins, celle développée dans la saison 2) est parfaitement respectée, et on se plaît, en lisant, à reconstituer leurs fameuses voix dans notre tête. Sans relever du génie, l'écriture fluide et agréable de Lang fait mouche. Comme dans La Couette de l'Oubli, on constate dans cet ouvrage une petite originalité en la présence de « bulletins cérébraux » , qui nous plongent dans les pensées d'un des personnages à un moment précis de l'aventure. Le langage y devient fatalement plus familier et vulgaire. Ces extraits renforcent le lien avec les sources de la saga, chaque membre du groupe possédant les mêmes défauts que dans la série audio, et ce malgré le fait qu'ils ont tous atteins le niveau 3 : le barbare est toujours, si ce n'est plus, bourrin à souhait, le nain affreusement chiant, l'elfe niaise et ingénue au possible, les actes de l'ogre sont dictés par son estomac, le ranger tente toujours tant bien que mal de diriger le groupe mais se loupe constamment, tandis que la magicienne, si elle reste le personnage le plus censé, accumule aussi ses casseroles.
Seront aussi présents le sorcier Zangdar et son serviteur Reivax, réduits à l'état de clochards, qui tenteront au cours du livre de retrouver leur gloire perdue.
Le scénario diffère suffisamment des autres saisons pour ne pas tomber dans la redite, et le rythme est globalement assez enlevé, bercé par la stupidité des actes des différents personnages. On y découvre la cité très bourgeoise de Waltorg, ses dignitaires, mais aussi la présence en toile de fond de l'organisation d'un évènement sportif inspiré du Blood Bowl de Games Workshop, devant se dérouler dans la cité de Glargh.
Après une petite baisse de rythme vers le milieu d'un roman qui se montre peut être légèrement plus sérieux que le précédent, les événements absurdes s’enchaînent à un rythme effréné dans le dernier tiers, avec l'exploration hilarante d'un minable donjon en cours de construction, et un final qui, pour notre plus grand plaisir, vire en un de ces bordels apocalyptiques que l'on aime tant dans Naheulbeuk. Les derniers chapitres sont un véritable régal dont il est difficile de décrocher.
L'Orbe de Xarax marque une étape supplémentaire dans la maturation de l'univers Naheulbeuk, et se pose comme un très bon roman d'heroic fantasy comique. L'ouvrage a d'ailleurs été récompensé par le prix Merlin 2010, récompense qui ne me semble pas usurpée. Une vraie réussite, qui démontre un fois de plus le talent protéiforme de sieur Lang.
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