Il y a quelques temps, voulant retrouver le goût de la lecture, j'ai ressorti ma trilogie des Hunger Games, et j'ai tellement aimé les relire que j'ai enchaîné sur ce qui me semblait alors être un nouveau point de vue sur l'histoire. Coriolanus Snow, les origines des Hunger Games ...


Ça vendait du rêve. Et au début, le rêve est bien là. On découvre un Snow pathétique, empêtré dans ses problèmes, perdu entre l'argent, l'Académie et les Jeux. Au début, on reste méfiant, il ne faudrait pas s'attacher trop à celui qui deviendra l'horrible président Snow ... Mais on finit quand même par le trouver attachant, vouloir qu'il réussisse.

Pour cela, il y a sa situation familiale, entre la Grandma'am et Tigris, les repas sautés, les repas volés, les sandwichs partagés avec Sejanus. Et puis, il y a aussi Lucy Gray, qui vient brillamment rendre Coriolanus sympathique en le montrant gentlemen et, comme tout mortel, soumis aux règles de l'amour.

Les deux premières parties sont palpitantes, la troisième aussi lourde que les jours d'été qui y sont décrits. Tout est lent, long ... Mais le problème apparaît bien avant cette deuxième partie.

Tout d'abord, la mort de certains mentors ne semble qu'un détail ; à part les cérémonies d'enterrement, elles n'influent pas sur le reste des événements, comme si finalement c'étaient des inconnus qui venaient de mourir, alors qu'il s'agit d'enfants des plus grands noms de Panem. Il manque la peur et la tristesse des camarades, la pression des parents pour protéger leurs enfants, et pourquoi pas se venger en rendant plus violents les Hunger Games.

Ensuite, il faut parler de Sejanus. C'est un personnage attachant, issu des Districts et complètement opposé aux Hunger Games. Soit, son histoire fait sens, son point de vue aussi. Le fait que d'autres remettent en cause les HG, surtout Coriolanus, ne sert à rien. Si l'on veut montrer le pour et le contre d'une telle tradition, Sejanus exprime déjà à merveille le contre, laissons aux enfants du Capitole, pleins d'amertume vis-à-vis des Districts, la psychologie de la vengeance et du pour. Coriolanus n'a pas besoin d'être objectif, de se poser des questions sur la justesse des HG ; il est là pour devenir le président Snow. C'est au récit de montrer une réflexion complète, pas à son personnage principal.

Sejanus avait l'opportunité d'être profond, il n'est qu'un gamin utopiste. Loin d'être mal (soyez des gamins utopistes), c'est surtout ... plat. Quand Coriolanus découvre les billets de Sejanus, se rend compte qu'il sait parfaitement mentir, c'était le moment pour que Sejanus se montre plus intelligent qu'il ne le montrait, qu'il fasse partie des rebelles de manière plus intéressante ... Au lieu de quoi il finit par tout dire à Coriolanus, perdant le seul avantage qu'il avait, la seule piste pour le rendre plus qu'un simple rêveur sympathique.

Au départ, Coriolanus n'aime pas Sejanus, il le méprise même à cause de ses origines, tout comme il méprise Ma. Pourtant, au cours du récit, une amitié se crée entre eux ... puis disparaît, puis réapparait ? En bref, elle n'a aucune logique. Coriolanus est poussé à aimer Sejanus, sous prétexte qu'il l'a sauvé dans l'arène, alors qu'il semble encore le détester. Et pourtant, ils viennent jusqu'à dire qu'ils se sentent comme des frères. De même avec Ma : Coriolanus la méprise, puis elle lui offre des pâtisseries et soudain il l'adore.

En fait, la psyché de Coriolanus ne fait pas sens. Par exemple, à la fin, il trouve idiot que Sejanus veuille s'enfuir, car il pense que vivre sans Capitole revient à vivre comme des bêtes sauvages. Soit, vu son expérience avec l'arène, on ne peut que comprendre. Mais juste après la pendaison, quelle idée vient à Coriolanus ? Eh oui, la fuite, sans aucun remord de perdre la civilisation, même lorsqu'il apprend son acceptation dans l'école de ses rêves. D'ailleurs, parlons de cette fuite : d'où sort cette soudaine parano que Lucy Gray veut le tuer ? Ils étaient comme cul et chemise tout le reste du roman, il n'a jamais eu le moindre doute en elle ... Alors pourquoi soudain se retourner contre elle ?


Ce livre promettait d'expliquer l'origine des Hunger Games, et c'est ce qu'on a eu. Cependant, deux des questions que je me posais n'ont jamais eu leur réponse. La première était : pourquoi Tigris finit-elle par haïr son cousin adoré ? Et la seconde : si c'est Lucy Gray qui a composé Hanging Tree, et l'a chanté une fois en public, comment est-elle parvenue au père de Katniss ? Pour la première, aucune idée : tout finit bien pour Tigris, Grandma'am et Corio, ils vivent heureux chez les Plinth et n'ont aucune raison de se plaindre. Pour la seconde, je suppose qu'il a entendu l'air chez les geais moqueurs, ou que quelque mineur l'aura retenue et la lui aura chantée. En tout cas, ce n'est pas ce livre qui nous le dira.


Malgré ces problèmes, il faut souligner certains points positifs. Le décor est époustouflant, entre le Capitole et le District 12. Les personnages sont attachants (si on omet leur psyché baladeuse) et surtout, on a une belle (bien que loin d'être de la grande philosophie) analyse du genre humain sur fond de dystopie. La plume est agréable, surtout dans les deux premières parties que l'on dévore. Ponctuer le récit avec des chansons est aussi quelque chose de très appréciable, surtout quand un des personnages est une chanteuse. J'ai passé un bon moment à le lire (et à améliorer mon anglais) et je regarderai volontiers le film, mais je sais déjà que le scénario ne volera pas très haut ...

Edamel
5
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le 15 janv. 2024

Critique lue 14 fois

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