Un excellent opus des Rougon-Macquart !
"La bête humaine" manquait encore à mon tableau de chasse zolien et dès le début de ma lecture j'ai éprouvé un grand regret de ne l'avoir pas découvert plus tôt. Regret vite effacé cependant par le plaisir toujours croissant procuré par sa lecture.
La galerie de personnages que Zola nous propose est superbe, autant les hommes que les femmes. Avec le brio d'un maître du thriller contemporain, le chef de file du naturalisme fouille une fois de plus l'âme humaine pour y dénicher ses plus noirs instincts. Ici, il s'agit du meurtre, de la soif de dominer que seul le crime peut étancher. Et ils sont nombreux les crimes au fil du roman ; véritable fil rouge d'une narration construite sur les instincts des "bêtes humaines", instincts congénitaux dans le cas de Jacques Lantier, héritier taré de Gervaise (cf. "L'assommoir") et mécanicien de la Lison, train express assurant le service le Havre-Paris, instincts sociaux dans le cas du sous-chef de gare Roubaud dévoré par ses passions : jalousie, jeu, ambition, dans celui de Séverine, la femme adultère, victime des hommes, manipulatrice malheureuse et dans celui de Flore, enfin, la femme amoureuse rejetée, poussée à la folie par ses tendresses inassouvies. Des personnages forts, égoïstes, si terriblement humains qu'ils font froid dans le dos, qu'ils s'aiment ou qu'ils se détruisent.
Toutes ces passions humaines ont pour cadre le chemin de fer, symbole violent des grands changements qui s'opèrent au coeur d'une société en pleine mutation. L'écriture est superbe, les descriptions - qui effraient tant de lecteurs - sont ici réduites à de justes proportions, donnant au roman un rythme très enlevé et un souffle digne des meilleurs polars.
Un Zola très noir ; du grand frisson.