"Le Zen ou l'art de s'en contrefoutre".
Cette critique regorge de spoilers, nécessaires à celle-ci.
Harry Bosch c'est un peu comme un vieil ami que l'on aurait perdu de vue pendant de longues années et qui nous raconte ce qu'il est devenu. Plus il en raconte, plus on en découvre davantage sur lui, plus il nous plait.
La Blonde en béton nous fait découvrir une nouvelle facette de notre inspecteur du LAPD préféré, et à travers son histoire une nouvelle facette de LA.
Sauf que cette fois-ci, c'est au tour de Bosch de se retrouver devant la justice. En effet quelques années plus tôt, il a abattu Norman Church, le suspect principal dans l'affaire du Dollmaker alors qu'il l'interpellait, seul, dans la chambre qu'il louait.
Légitime défense, certes, mais notre héros intrépide, toujours prêt à rendre la justice et à sauver des vies, n'aurait-il pas du appeler et attendre des renforts? Surtout que le suspect ne fit son geste fatal -plonger sa main sous son oreiller au mépris de tous les ordres proférés par Bosch et son arme de service- uniquement pour y chercher sa perruque et non une arme quelconque.
On peut donc comprendre le procès en civil intenté par la famille.
Notre cher Harry se retrouve donc disséqué devant des jurés et par une avocate très motivée par les retombées médiatique dans LA encore traumatisée par 1992 et l'argent. Alors qu'au dehors les meurtres du Dollmaker reprennent.
Harry Bosch est accusé d'avoir abattu un innocent, mais lui convaincu de la culpabilité de Norman Church part à la recherche du "Disciple", macabre imitateur du Dollmaker et bien plus intelligent.
L'intrigue est séparée ici en deux temps, Bosch assiste à son procès et enquête lors des pauses déjeuner et le soir. L'enquête se fait donc tranquillement, comme le procès, comme tout le roman. Point ici de course poursuite au méchant effrénée comme dans l'épouvantail, ou à genoux, point de procès à enjeu et de course contre la montre comme dans le Verdict du Plomb. Connelly installe un rythme soutenu, entrainant mais sans tenir le spectateur en haleine tout au long du roman.
Le rythme est en effet à l'image du héros: zen la plupart du temps, puis il se fait trépidant par moment, lors, par exemple, de l'excellente scène où il investit la maison de son pote des mœurs. Néanmoins la scène finale, le face a face avec le Disciple s'éloigne des clichés du genre pour mon grand bonheur. En effet, sûr de lui, Bosch piège froidement le coupable en maitrisant parfaitement la situation.
La tension est sous-jacente, comme nous le démontre l'auteur tout au long de son roman, Bosch joue tout sur cette affaire, sauf l'intégrité physique de sa personne. S'il perd son procès et laisse échapper le suspect il perd son métier, la conception qu'il a de lui-même, et peut être son amour.
Le lecteur vit donc agréablement la lutte de l'inspecteur tout en en apprenant plus sur lui.
La narration précise et tranquille de Connelly, qui sait adapter son rythme et son style aux différentes situations est d'autant plus agréable que l'auteur mène son récit de manière à ce que l'on découvre ou apprend quelque-chose regulièrement sur les États-Unis.
Ainsi le lecteur en apprendra plus sur:
-le système judiciaire américain.
-l'industrie X autour de LA.
-les émeutes de Los Angeles en 92. (Connelly ayant reçu un prix Pulitzer pour ses travaux sur les dites émeutes.)(Information à vérifier. Source:l'intro de la vieille version poussiéreuse que j'ai lu. Plus l'intro de L'envol des Anges Le site de MC ne dit rien la dessus. Ni wikipedia. C'est probablement n'importe quoi en fait, ou pas. A vérifier.)
-la psychologie des tueurs en série.
-Los Angeles en général comme dans la plupart des Connelly.
Toutes ces points d'informations étant très bien introduits, de manière très naturelle, via de nombreux spécialistes, nécessaires à l'enquête. On apprend des choses et cela permet à Connelly de complexifier et de densifier son récit, donc tout le monde est content.
Dans un roman policier les personnages sont souvent négligés au profit de l'intrigue. Pas avec Connelly et pas dans La Blonde en béton.
Le personnage d'Harry Bosch est mieux développé dans cet opus. On en apprend un peu plus sur lui et sur ses motivations. Les passages avec Sylvia ne sonnent pas mièvres et encore moins utilitaires. De plus j'étais véritablement persuadé qu'elle était la blonde dont parle le message du Disciple à la fin. Connelly encore une fois m'a bien eu! (Car oui je fais parti des gens qui essayent de deviner qui est le coupable. Mon hypothèse la plus probable étant le psy.)
Le personnage du psychologue Locke est lui aussi intéressant et instructif. Ainsi que celui du flic pourri de la brigade des mœurs. Mention spéciale pour Tommy Faraway, qui n'est la que pour faire joli, ce qui est rare dans un roman policier. On est aussi ravi d'apprendre que Irving S. Irving n'a pas toujours été un monstre sans cœur.
Ainsi j'ai particulièrement apprécié ce bouquin tant par ses qualités techniques que par le fait que j'avais déjà lu un certain nombre de Connelly avant et que je retrouve avec plaisir Harry Bosch dans un roman original. (Selon moi.) Connelly varie donc légèrement sur son thème avec beaucoup de réussite et de maestria. Un des meilleurs roman policiers qui m'ait été donné de lire.
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