Que voilà un roman étrange.
L'histoire se situe dans un proche futur, où le réchauffement climatique a entraîné une montée drastique des eaux et de nombreuses crises politiques à travers le monde. La plupart des États se sont délités et les populations survivantes sont rassemblées dans de grandes cités flottantes, construites par des conglomérats multinationaux, constitués de riches investisseurs.
Nous voilà donc transporté à Qaanaaq, cité flottante proche de l'ex-Groenland, construite au-dessus d'une source géothermique qui lui fournit l'énergie nécessaire à son fonctionnement, au moment où une mystérieuse guerrière, accompagnée d'un orque et d'un ours polaire, vient d'arriver en ville.
L'arrivée de cette femme alimente toutes les conversations, car c'est une nanoliée, une personne qui a lié son destin à un animal (l'orque ? L'ours ? Les deux ? Personne ne le sait), en créant avec lui, via des nanobots intégrés à son sang et à celui de l'animal, un lien fusionnel.
Les nanoliés ayant été victimes de traques par des intégristes de tout crin, ils sont peu nombreux, et chacun s'attend à ce qu'elle soit venue pour se venger. Et chacun glose pour essayer de deviner qui cela pourrait être.
À partir de là, le récit s'articule entre plusieurs personnages que l'on suit chaque fois le temps d'un chapitre. Un lutteur en fin de carrière, une chargée de campagne électorale (municipale l'élection), un jeune transgenre en quête d'ascension sociale, et le jeune héritier de l'un des gros actionnaires de la ville, victime d'une maladie d'un genre nouveau, les Failles, qui mêle des symptômes classiques de maladie, à d'autres plus "connectés" étant donné que les malades reçoivent via leur com link (intégré à leur corps), des "visions" de la vie numérique et des souvenirs d'autres personnes.
L'entrée dans le récit ne se fait pas aisément, Sam J Miller ne nous prenant pas vraiment par la main, et laissant le lecteur faire lui-même le gros du cheminement, lui permettant de recoller les morceaux de son univers fracturé.
Le récit est cependant bien articulé, et tout se met peu à peu en place. Le mélange de technologie de pointe (I.A. chargée de gérer la ville, nanotechnologies intégrées à la vie de tous les jours) et de post-apo crasseux (la ville est globalement très pauvre) fonctionne très bien, les personnages sont attachants (bon, peut-être pas tous), et plus on avance dans sa lecture, plus on se prend au jeu.
Le roman brasse beaucoup de choses et m'a fait penser à beaucoup de mes lectures antérieures. Si les anglo-saxons parlent surtout de Blade runner de Philip K. Dick, j'ai aussi pas mal pensé à Tous à Zanzibar de John Brunner ou en littérature francophone, à l'Anamnèse de Lady Star du couple Kloetzer qui, je pense, ne serait pas renié par Sam J. Miller si d'aventure il le lisait.
Un roman un peu déroutant, qui se mérite (il faut rentrer dedans), mais qui est de mon point de vue, réussi.