Ne pas juger d'une trilogie avant d'avoir fini les trois oeuvres...
Il était une fois une petite fille qui voulait que son papa lui raconte une histoire. Papa, diplômé de Harvard et qui avait déjà produit deux romans, dont un qui fut primé, demande à sa fille quel sujet elle veut pour son histoire.
"l'histoire d'une petite fille qui sauve le monde"
Presque trois mille pages plus tard, la trilogie entamée avec Le Passage et poursuivie par Les Douze, trilogie que l'on pourrait appeler "trilogie d'Amy", s'achève avec émotions, force et beauté. Le Passage était un très bon roman pré apocalyptique et apocalyptique, avec un peu d'horreur, une invasion de vampires, des personnages attachants et une qualité de conteur qui fait que son millier de pages se lit à une vitesse impressionnante. La filiation avec des auteurs comme Stephen King et Howard Lovecraft se devine, sans pour autant arriver à la hauteur des maîtres.
Le deuxième roman, Les Douze, était un cran en-dessous. Trop long à démarrer, avec de nouveaux personnages pas toujours très bien présentés, le lecteur s'y perdait un peu. Cependant, la qualité de Justin Cronin est telle qu'il réussit à nous raccrocher finalement et, lors des scènes finales, on se rend compte de l'intelligence qu'il a mise dans la construction du roman, certains éléments du début ne trouvant leur explication que lors du dénouement.
La Cité des Miroirs, c'est donc le final. La première partie nous rafraichit la mémoire en nous présentant les personnages principaux. Puis on entre vite dans le vif du sujet.
La deuxième partie du roman est juste éblouissante. Le nouveau personnage du roman, seul nouveau venu d'importance, nous raconte son histoire. Et là, le talent de Cronin se montre au grand jour. talent de conteur toujours, qui ne nous quittera pas de tout le roman, nous faisant voyager, rêver, frémir, et passer par tellement d'émotions successives que je ne pourrais pas les décrire. Mais aussi talent pour créer des personnages. Au fil du roman, l'héritage de King se fait de plus en plus flagrant, assumé et mérité. En nous racontant sa vie, ce nouveau personnage nous plonge dans l'Amérique profonde, nous fait vivre la vie d'un étudiant à Harvard (souvenirs de l'auteur ?) et nous montre toute l'étendue de la psychologie troublée et instable de son caractère.
Car c'est peut-être là la grande différence entre ce roman et les deux précédents, et une des choses qui font sa supériorité : l'action dépend de la psychologie d'un personnage. De son esprit retors, à la fois assoiffé de vengeance et accablé de remords.
La tension va monter progressivement. De nombreuses fois, on se dit "c'est bon, je vois où il veut en venir, la fin sera prévisible". Et pan ! Cronin parvient à nous surprendre, et on se retrouve ébahis comme les personnages eux-mêmes.
Une autre des grandes forces du roman, c'est sa large palette d'émotions. Certes, La Cité des miroirs est un roman fantastique, il y a de l'horreur, du suspense, des surprises, une tension permanente. Mais il y a aussi des passage comiques, de l'émotion, de l'onirisme, etc.
Et ce final ! Bon sang quelle fin ! Les ultimes pages (je parle bien des ultimes, genre les trois dernières) sont éblouissantes !
Le résultat est bluffant. Le Passage était un très bon roman. La Cité des Miroirs frôle le chef d'oeuvre. A lui seul, il mérite que l'on lise tout le reste de la trilogie, juste pour aboutir à cette fin inoubliable.