Le moins bon des trois tomes de la trilogie selon moi ; attention, cela étant dit, cela reste largement au-dessus du panier. Je me souviens avoir été impressionné par la maîtrise narrative de Cronin dans Le Passage (description de la Colonie) et encore dans Les Douze. Ici, les chapitres sont de plus en plus courts et les dialogues prennent plus de place, ce qui n'est jamais bon signe pour moi.
Cependant le roman se dévore et tous les événements et personnages trouvent leur place et leur justification dans une grande mécanique cosmique bien huilée qui semble être une métaphore de l'art du roman.
On a dit que le roman était triste. Je ne trouve pas. Tous les personnages trouvent leur accomplissement d'une façon ou d'une autre, généralement dans une célébration du couple au-delà de la mort.
Et c'est peut-être là que le bât blesse si on voulait se risquer à une petite critique sociétale (ce sont des réflexions qui me sont apparues à la lecture - indépendamment du talent indéniable de l'auteur) :
- voilà une énième saga post apocalyptique américano-centrée : le reste du monde a disparu et le destin de la Terre repose sur une poignée d'Américains (et pourquoi la monnaie de la république indo-australienne est-elle encore le dollar ?),
- sous couvert de survie de la civilisation le roman développe des thématiques conservatrices : célébration du couple hétérosexuel monogame (on ne compte plus le nombre d'exemple) et de la famille, de l'importance de la filiation,
- place et importance des armes à feu (ce n'est pas un hasard si le Texas est le dernier bastion de l'Amérique, et donc de l'humanité !).
Il est vrai que certains personnages sont célibataires, incasables : Michael, Greer, Alicia, notamment. Mais pour caricaturer, le personnage type de la trilogie est : Blanc, Texan, armé, hétérosexuel, marié, avec enfants.
Les histoires de couples abondent et forment un étonnant jeu de miroirs : Amy et Peter, Sara et Hollis, Fanning et Liz, Caleb et Pim… On comprend bien sûr qu'il y a une raison pragmatique à cela qui est la survie de l'humanité, mais en filigrane on ne peut s'empêcher d'y déceler une vision assez conservatrice de la société.
Cela dit, ces réflexions n'entachent en rien l'efficacité du roman. Il est quand même à noter que les passages les plus réussis sont pour moi ceux qui s'écartent de la trame apocalyptique : l'histoire contemporaine de Tim et Liz (qu'on croirait sortie d'un roman de Philip Roth) ou l'excellent épilogue qui clôt le roman. Par comparaison, les scènes d'action avec les viruls (assaut de Kerrville) paraissent expédiées, comme si l'auteur avait épuisé ces ressources dans les deux opus précédents, et pas toujours très lisibles (l'assaut sur le pont-jetée, le combat final à la Spiderman - un peu ridicule ? - où on a du mal à situer les personnages).
Gimmick un peu agaçant : les nombreuses scènes où les personnages sont laissés pour morts, pour mieux réapparaître plus tard (Alicia est une spécialiste), comme si l'auteur fantasmait sur la mise à mort de ses personnages, mais n'étant jamais convaincu, la réorchestrait quelques centaines de pages plus loin…
Reste un roman d'une densité remarquable qui clôt parfaitement la trilogie. L'ampleur temporelle du récit rend la toute fin particulièrement émouvante.