Ça fait un moment que je tourne autour d'Emmanuel Carrère, à force de lire des commentaires élogieux sur ses livres, de les voir adaptés (plus ou moins bien) au cinéma. Et puis la sortie fortement célébrée de son dernier "roman" m'a décidé à me lancer, malgré ma réticence envers les romanciers français contemporains que je trouve personnellement bien moins intéressants que leurs confrères américains. Voilà, je dois dire que cette "Classe de Neige" m'a littéralement scotché. D'abord parce que la première moitié de ces courtes 150 pages nous font revivre de manière hallucinante ces tourments d'insécurité enfantine que la plupart d'entre nous ont vécus (de manière quand même moins violente que le petit Nicolas du livre, du moins je l'espère pour vous) : la capacité qu'à Carrère de faire ressurgir des coins les plus sombres de notre mémoire des sensations enfantines enfouies parce que vaguement honteuses est tout simplement tétanisante. Et est la marque d'un grand écrivain, quel que soit son style (et le style de Carrère n'est pas mauvais, loin de là, juste un peu "standard"). La seconde partie du livre, où se noue l'intrigue de manière particulièrement subtile et pourtant horrifique, revient à une fiction plus classique finalement, avec un "twist" digne d'un polar, ce qui permet de conclure brillamment "la Classe de Neige" face à un noir abime qui est celui du monde adulte, sans pitié ni pardon. Reste quand même qu'on peut préférer le travail subtil d'introspection (sans doute largement autobiographique) qui fait la singularité éclatante de ce livre. [Critique écrite en 2009]