En l'an 3018 de la Terre du Milieu, au crépuscule du Troisième Age, j'ai quitté le village de Bree en compagnie de quatre semi-hommes. Nous devions gagner les thermes de Fondcombe où un puissant enchanteur nous attendait. Une longue route se profilait devant nous, faite de marches éreintantes et de cavalcades folles à travers les plaines, bois, monts et collines de l'est de l'Eriador.
Ainsi commence le périple de Bill.
Sur mon chemin, j'ai traversé les marais de l'Eau-Au-Cousins et me suis enlisé dans la boue. J'ai subi de multiples piqûres à la pense et au museau et suis sorti boursouflé de la baignade. J'ai même perdu l'un de mes fers !
Pauvre Bill...
Nous avons ensuite affronté des hommes-capuches et tenté de les dissuader d'emmener l'un des enfants boucles d'orges, qui comptait parmi mes maîtres. Munis d'un bâton rougeoyant, le rôdeur qui nous accompagnait a botté le train arrière à nos assaillants mais ils nous ont poursuivi dans la forêt. Je me suis écorché le cuire sur les arbustes du sous-bois aux épines acérées, il m'en reste d'ailleurs quelques cicatrices au niveau des pattes.
Pauvre Bill...
Dans notre fuite nocturne, nous avons été rejoints par un homme aux oreilles pointues, comme les miennes. Il montait une étalonne du nom d'Asfaloth, qui avait vu plus de pays que l'ensemble de ma lignée. J'espérai m'entretenir avec elle afin d'en tirer quelques bénéfices pour ma descendance, mais l'homme aux oreilles pointues est reparti au galop, semi-homme sous le bras.
Pauvre Bill...
Aux thermes de Fondcombe, j'espérai être au terme de mon voyage. Malheureusement, j'ai appris que nous repartions pour le Sud, en compagnie cette fois d'une grande pousse aux oreilles pointues, d'un vieillard embobineur, du rôdeur ainsi que d'un autre homme et d'une poignée de nains. Durant mon séjour, j'ai tout de même pu retrouver ma jument pour lui tirer le crin. On a eu quelques belles nuits avant mon départ.
Sacré Bill !
Chemin faisant, nous sommes repartis au matin, vers le Sud. J'ai entrevu de vastes paysages et des monts culminants. Alors que nous trouvions un repos bien mérité aux pieds de quelques rochers, des oiseaux jacassants nous ont forcé à modifier notre route. Je n'ai pas compris pourquoi. Nous avons ensuite tenté de traverser le Col de Caradhras, sans moufles ni bonnet ! Mes pattes ont gelé et mes oreilles se sont raidis. J'ai attrapé un vilain rhume.
Pauvre Bill...
Ayant encore changé de destination, nous nous sommes retrouvés au pied de la montagne devant un lac baigné de brume. C'est là que le gros joufflu m'a libéré pour me laisser rentrer seul jusqu'à chez moi, sans cavalier pour me protéger. Sentant que le vent allait tourné, j'ai fui ce sinistre endroit et ai entamé mon voyage de retour. Moi qui avait connu des compagnons de toutes les tailles et de toutes les couleurs, j'ai cheminé seul pendant de longues semaines.
Pauvre Bill...
Sur ma route, j'ai croisé quelques bestiaux, hélas pas très bavard. Certains ont tenté de me dévorer et j'ai du apprendre à galoper. Parfois, j'ai même dû me camoufler dans les herbes hautes. Un Troll est cependant parvenu à me capturer et projetait de me faire cuire à la broche. Je suis parvenu à me libérer de son entrave au dernier instant et ai fui vers l'ouest. J'ai cheminé nuit et jour, sous le vent, la pluie et l'orage. Je suis finalement parvenu aux termes de mon voyage, Bree, d'où j'étais parti deux mois plus tôt. Je n'ai jamais compris le but de ce périple.
Comme Bill, méfiez-vous des épopées. On vous convainc qu'il y a un truc important à faire à l'autre bout de la carte, et finalement, on se retrouve embarqué dans des situations invraisemblables au péril de notre vie. On n'y trouve aucun interêt, sauf peut-être d'avoir des histoires à raconter.
Aujourd'hui, Bill a son nom inscrit dans un livre et a même joué dans un film ! Il vit à Beverly Hills et coule des jours heureux avec sa bourgeoise....