Avant toute chose, il faut rappeler que I Know This much Is True est un roman de Wally Lamb publié en 1998. Le livre paraît et se déroule donc dans une décennie marquée par l’engagement de l’armée américaine en Irak, et que la postérité retiendra comme la Guerre du Golfe. Conséquence direct du conflit au moyen-Orient, le pétrole subit une hausse sans précédent et oblige le congrès à voter des restrictions budgétaires qui s’appliquent à des domaines diverses tels que la couverture sociale ou la fiscalité. Sous l’impulsion de son président George H. W. Bush, le pays est entré dans une nouvelle période d’incertitudes et de conflits jusqu’à son point d’orgue, à savoir les attaques du 11 septembre 2001, traumatisme qui persiste encore dans le subconscient collectif actuel.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que les personnages de cette série évoluent dans un contexte particulier et sont comme tout à chacun, le produit de leur époque. Et c’est justement cette question que pose la série, jusqu’à quel point un homme a t’il prise sur son existence, et comment peut-il se développer au dépend de son héritage génétique et du contexte social et familial qui le détermine. Plus que tous les autres sujets abordés (le rapport au père, le deuil, la maladie psychique et ses conséquences sur l’entourage proche), c’est celui de la résilience qui prédomine et parachève par ailleurs le récit. Le personnage de Dominick Birdsey s’efforce de sortir son frère Thomas Birdsey (tout deux joués par un Mark Ruffalo en plein état de grâce) d’un hôpital de haute sécurité, après que ce dernier se soit tranché la main en public pour expier les péchés de son pays. Mais au-delà de l’amour pour son frère, Dominick devra réussir à se défaire d’un héritage familial déplorable, et d’une crise identitaire due à un géniteur absent ainsi qu’à un père de substitution violent et aux exigences illégitimes.
La série est portée par le show runner Derek Cianfrance, à qui l’on doit notamment le film The Place Beyond The Pines. Si les thématiques sont différentes, on retrouve l’atmosphère qui faisait la particularité du métrage avec Ryan Gosling. Une ambiance pesante et électrique, portée par la bande originale minimaliste de Harold Budd, faites de nappes ambient qui donnent aux images une aura quasi mystique, et sublimées par la photographie de Jody Lee Lipes (qui avait déjà officié sur le film Manchester By The Sea).
Une série qui rappelle la perfection formelle et les thématiques ésotériques de la première saison de True Detective, et qui termine de consacrer Mark Ruffalo comme l’un des acteurs les plus talentueux de sa génération. Avec ses personnages ambivalents et plein d’aspérités, ce show en six épisodes propose une réflexion sur la fatalité et le parcours d’une famille à l’apparente banalité, qui révèle peu à peu un récit mythologique et grandiose.
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