T'as déjà vendu un livre que t'avais dit qu'il était trop bien sans l'avoir lu ? Moi oui. Plein de fois.
Mais c'était pas vraiment un mensonge bicause mes collègues de l'époque où il est sorti (nom d'un petit sourcil qui ondule ça fait déjà dix ans), elles étaient en train de me former et j'avais mis toute ma confiance entre les mains de leur savoir figure toi.
Dix ans plus tard je me rends compte que je m'étais pas du tout planté. Et que même si j'ai menti c'était pas un vrai mensonge mais comme ça s'appelle La Compagnie des Menteurs ça se complète et je boucle la boucle.
DONC ! Ce livre est encore un livre d'ambiance (décidément je calfeutre tout mon imaginaire de ça en ce moment je sais pas pour quelle raison ...). Mais attention hein, v'la l'ambiance ; Sean Connery et Christian Slater défroqués, Cadfael, Game of Thrones sans dragon et sans aucun cul nu toutes les deux secondes (bon ok y'en a quand même un peu dans cette histoire).
Mais putain c'était BRILLANT. Shiny shiny même. Fallait le faire hein : moyen-âge, la peste, aucun smartphone, pas de Billie Eilish à balle dans les oreilles ... et .. j'me suis régalé mon vieux.
C'est l'histoire d'un vieux monsieur qui vend des reliques en balançant plein de mensonges parce que c'est un (très bon) vendeur (ola, doucement maraud, qu'insinues tu en insinuant ?), et un jour de foire il rencontre une gosse qui se fait rudoyer devant lui. Il la prend un peu en pitié, lui jette à manger (on est au Moyen-Âge pousse pas trop la bienveillance quand même) et elle en contrepartie elle lui raconte qu'en plus d'avoir de beaux et jolis cheveux blancs, elle est douée du don de la voyance. Elle lit les runes.
Le vieux flippe et continue son bonhomme de chemin et sur lequel il rencontre divers personnages ; un ancien magicien, un couple dont la femme est enceinte, un maitre musicien et son apprenti, une guérisseuse et la petite voyante. Tous vont faire partie d'un long voyage car tous ne veulent qu'une chose à première vue : fuir la peste.
Rappelant les faits importants qui ont frappés l'Angleterre à cette époque, nourrissant son histoire d'anecdotes glauques et croustillantes permettant aux lecteurices de s'exclamer avec délectaction "bah mon canard on est quand même vernis de vivre à notre époque c'est moi qui te le dis" (avant de se rendre compte qu'on est en train de se parler à soi-même devant son thé bouillant), Karen Maitland pousse le bouchon un peu plus loin en incorporant des phénomènes sociétaux actuels, plaqués sur des dynamiques de l'époque (l'inceste, l'homophobie, la xénophobie, la judéophobie, et plein d'autres phobies qui viennent enrichir la perception terne et sombre qu'on associe souvent au Moyen-Âge, mais qu'on peut maintenant comparer à notre époque.
Maligne Karen Maitland ! qui en se faisant tente de nous prévenir sur les cycles éventuels de rejets de l'autre, de guerres démarrées à cause de conneries basées sur la peur de l'autre et de la facilité de récupération grâce au ressentiment.
Donc oui minou, brillant c'était. Et pour couronner le tout, elle nous gratifie d'un soupçon de thriller en éliminant chacun des personnages façon Agatha Christie (même si cette fin est un peu décevante en terme de ... en fait non elle est super cool, mais t'attends pas à un truc spectaculaire façon Hollywood ni rien).
J'approuve !
(et ça aussi c'est typiquement le genre de livre à lire entre l'Automne et l'Hiver. Il pleut beaucoup dans ce roman, vraiment beaucoup, ce qui est fou parce qu'en cette année de 1348 - année ou la peste s'est propagée en Angleterre - il a plu de la St Jean à Noël sans s'arrêter. Et ... ça rajoute un je ne sais quoi de TRÈS glacial à l'histoire).
Bref, fonce.