Ce livre diffère selon ses éditions, selon que Musset se soit repenti ou non ; considérez alors que j'ai lu une version qui se situe dans la moyenne, avec la même quantité d'éclairs de génie que de longueurs entre l'incipit et la conclusion que n'importe quelle autre.
Le début de l'ouvrage est tout bonnement magistral. Démarrer une oeuvre romantique par un passage historique qui sert autant le propos que l'aïoli sert une tarte au citron relève d'une audace folle. À moins que Musset ne pose la question : « finalement, qui peut vraiment dire quand il a commencé à aimer ? » Ces chapitres sont là, tant mieux, il aurait été dommage de se priver d'une si délicieuse sauce.
Par la suite, le récit se concentre sur les humeurs d'Octave. Musset nous embarque de gré, et par moments de force, sur les océans déchaînés de ses amours. L'horizon s'assombrit rapidement et très vite la terre échappe à nos yeux. le navire vogue sans jamais paraître jeter l'ancre. Parfois, à la faveur de passages qui se répètent, le mal de mer nous prend. Parfois, c'est un creux. Un coup de rame et le bateau fend à nouveau les vagues.
La fin du trajet nous ballotte pareillement à si nous étions au sommet du mât. le coeur d'Octave balance. Ses émotions sont exacerbées, surtout au regard de l'inanité sentimentale contemporaine. Alors qu'on ne croyait plus au rivage, soudain, une île apparaît. On y échoue avec lui. On réalise à ce moment-là qu'il n'y avait qu'un seul trajet, qu'un seul voyage qui pouvait nous amener ici. Que l'île n'existe pas sans les tempêtes et la perdition. On comprend Musset (beaucoup), on comprend Octave (un peu), et surtout on comprend pourquoi lui est resté dans l'Histoire de la littérature et pas tant d'autres.
Deux mois plus tard, on se surprend à relire la fin. Il manque une saveur, celle qui vient du ventre. On se dit qu'un jour, on relira La Confession, on reprendra la mer.